Mémentos - Droit des sûretés - 18e - 55

CHAPITRE 1 - Le cautionnement
53
l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens
et revenus (...). »
En 1997, la jurisprudence s'est inspirée de ce texte pour établir une véritable exigence de
proportionnalité87
, dans une hypothèse qui ne relevait pas dudit texte. Au sujet du
cautionnement d'une société par son dirigeant, la Cour de cassation a constaté qu'il
existait une disproportion entre le montant du cautionnement et les biens et revenus
de la caution. Pour la Cour, cette disproportion révèle une faute du créancier, qui a
failli aux exigences de la bonne foi en sollicitant de la part de la caution un engagement
excessif. Une telle faute justifie l'attribution de dommages-intérêts, qui réduisent, par
compensation, la somme due par la caution.
La loi du 1er
août 2003 pour l'initiative économique a inséré dans le Code de la consommation
un texte devenu l'article L. 332-1, qui étend la règle posée par l'ancien texte du
même code à tout contrat de cautionnement conclu par une personne physique au
profit d'un créancier professionnel. Ainsi, dans de tels cautionnements, le créancier ne
pouvait se prévaloir de la sûreté si l'engagement de la caution est, lors de la conclusion
du contrat, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Il n'en est autrement
qu'en cas de retour à meilleure fortune, c'est-à-dire si le patrimoine de la caution, au
moment où elle est appelée, lui permet d'assumer son obligation88
.
76. L'ordonnance du 15 septembre 2021 a également réformé cette exigence de
proportionnalité, en la faisant entrer dans le Code civil (et en abrogeant l'ancien
article L. 332-1 du Code de la consommation). Le nouvel article 2300 retient que si le
cautionnement souscrit par une caution personne physique envers un créancier professionnel
est, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au
patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait
s'engager à cette date. À la lecture de ce texte, trois nouveautés méritent d'être
mises en avant. En premier lieu, le texte vise comme élément d'appréciation de la
disproportion les revenus et le patrimoine de la caution, tandis que le texte précédent
ne visait que les biens et les revenus. Une compréhension étroite de cette dernière
expression aurait pu conduire les tribunaux à ne pas tenir compte du passif de la
caution, de ses dettes, pour apprécier la disproportion. Une telle solution aurait été
critiquable et n'a jamais été retenue par la Cour de cassation. Mais le nouveau texte
présente le mérite de clarifier les choses. En deuxième lieu, l'hypothèse du retour à
meilleure fortune n'est pas conservée. Certains créanciers pariaient sur une amélioration
de la situation financière de la caution pour lui demander un engagement très
élevé. Ce ne sera désormais plus le cas. Cette prise en compte du retour à meilleure
fortune était en outre source de complexité. En troisième lieu, et c'est l'innovation
majeure, la sanction du cautionnement manifestement disproportionné est modifiée.
L'impossibilité de se prévaloir du cautionnement laisse place à sa réduction. Cette
sanction est assurément plus souple89
, rappelant la jurisprudence de 1997. Elle pourrait
--
87. Cass. com., 17 juin 1997, nº 95-14105 : Defrénois 1997, art. 36703, obs. Aynès L. ; RTD civ. 1998,
p. 157 obs. Crocq P.
88. Ce qui peut résulter d'une augmentation de ses revenus, ou d'une diminution des charges qu'elle
assume par ailleurs : CA Grenoble, 4 juin 2012, nº 01/01742 : Juris-Data nº 2012-013098 ; JCP G
2012, p. 1291, nº 7, obs. Simler Ph.
89. Pour une proposition de cette sanction, v. G. Piette, « La sanction du cautionnement disproportionné
», Droit & patr., juin 2004, p. 44.
Mémentos - Droit des sûretés - 18e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit des sûretés - 18e
