Mémentos - Droit des sûretés - 18e - 76

74
MÉMENTOS - DROIT DES SÛRETÉS
estimait que ce qui n'est d'ordinaire qu'une simple faculté pour le créancier devenait
une obligation si la caution y trouve un intérêt158
.
Ces divergences ont justifié l'intervention d'une Chambre mixte, qui s'est prononcée
dans le même sens que la chambre commerciale159
. Dans de telles hypothèses, le créancier
ne peut plus se borner à agir dans son strict intérêt personnel, mais doit prendre en
compte les intérêts de la caution. À défaut, il s'expose à une décharge de la caution.
C'est ainsi que la première chambre civile a considéré qu'un prêteur de deniers, bénéficiaire
du privilège institué par l'ancien article 2374 du Code civil, qui se garantit par un
cautionnement, s'oblige envers la caution à inscrire son privilège160
. Cette solution n'est
guère opportune, et son abandon était préconisé par l'avant-projet de réforme Capitant.
Mais l'ordonnance de 2021 n'a pas suivi celui-ci.
En revanche, l'article 2314 est enrichi d'un alinéa qui prévoit que la caution ne peut
reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté. Il s'agit de
préserver la liberté du créancier de choisir entre vente forcée ou attribution du bien
grevé d'une sûreté réelle. Ce choix lui appartient, et n'a pas à être contesté par la
caution, contrairement à ce qu'avait pu décider la jurisprudence161
.
148. Il est en outre nécessaire que le fait du créancier ait porté atteinte aux prévisions
légitimes de la caution. La jurisprudence estime que la caution ne peut invoquer
la perte du droit préférentiel que si celui-ci existait antérieurement au contrat de
cautionnement, ou si le créancier s'était engagé à le prendre162
pouvait objectivement et légitimement penser qu'un tel droit serait pris163
, ou encore si la caution
.
149. La caution doit enfin avoir subi un préjudice. Cette condition se décompose en
deux éléments : le droit perdu présentait une réelle efficacité164
et la caution ne
dispose pas d'autres droits préférentiels, qui lui permettent d'obtenir paiement de sa
créance165
. Contrairement au droit commun de la responsabilité civile, dans lequel
.C'est à ce dernier de démontrer que la caution n'a
c'est à la victime qu'il appartient de rapporter la preuve du préjudice, la charge de la
preuve incombe ici au créancier166
subi aucun préjudice du fait de la perte du droit préférentiel. La justification de cette
solution peut être trouvée dans l'idée selon laquelle lorsque la caution a établi les
autres conditions de mise en œuvre de l'article 2314, le créancier sera conduit à
opposer pour sa défense l'absence de préjudice subi par la caution.
--
158.Cass. com., 13mai 2003 : Bull. civ. IV, nº 73 ; Banque et Droit juill.-août 2003, p. 61, obs. Rontchevsky N.
159.Cass. ch. mixte, 17 nov. 2006 : D. 2006, p. 2907, obs. Avena-Robardet V. ; RTD civ. 2007, p. 157,
obs. Crocq P. Pour une illustration plus récente : Cass. com., 8 nov. 2023, nº 22-13823.
160.Cass. 1re civ., 3 avr. 2007 : D. 2007, p. 1136, obs. Avena-Robardet V.
161.Cass. com., 8 mars 2017, nº 14-29819 : « si l'attribution judiciaire du gage ne constitue qu'une faculté
pour le créancier, ce dernier, lorsqu'il est par ailleurs garanti par un cautionnement, commet une
faute (...) si, en s'abstenant de demander cette attribution, il prive la caution d'un droit qui pouvait
lui profiter ».
162.Cass. 1re civ., 16 nov. 1977 : Bull. civ. I, nº 425.
163.Cass. 1re civ., 9 févr. 1970 : D. 1970, somm., p. 101 - Cass. com., 2 oct. 2012, nº 11-23281.
164.Cass. 1re civ., 25 juin 1980 : Bull. civ. I, nº 197 - Cass. com., 12 juill. 2011, nº 09-71113, préc. ; JCP G
2011, p. 1259, nº 7, obs. Simler Ph.
165.Cass. 1re civ., 26 janv. 1999 : JCP G 1999, II, p. 10041, concl. Sainte-Rose J.
166.Cass. com., 8 avr. 2015, nº 13-22969 - Cass. com., 11 mars 2020, nº 18-22526.
Mémentos - Droit des sûretés - 18e

Table des matières de la publication Mémentos - Droit des sûretés - 18e
