Mémentos - Droit des sûretés - 18e - 85

CHAPITRE 2 - Les sûretés personnelles non accessoires
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peut s'opposer à l'appel sous prétexte que le donneur d'ordre ne lui a pas versé la
commission convenue. En revanche, l'inopposabilité des exceptions tirées de la relation
entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire est plus caractéristique. Signe de l'autonomie
de la garantie, cette inopposabilité renforce la position du créancier, qui
pourra mettre en œuvre la garantie, sans se soucier des événements pouvant affecter
le contrat de base. Ainsi, par exemple, le garant ne peut s'opposer à l'appel en invoquant
la nullité du contrat de base13
, ou encore son extinction par résolution ou
compensation. Une telle inopposabilité n'existe pas dans le cautionnement, en raison
du caractère accessoire de celui-ci.
172. Il existe néanmoins un moyen de défense opposable au bénéficiaire, à savoir la
théorie de l'appel manifestement abusif, qui n'est en réalité qu'une application à
la garantie autonome des théories de l'abus de droit et de la fraude (C. civ.,
art. 2321, al. 2). Ce moyen de défense fut d'abord développé par la jurisprudence
afin d'éviter que la garantie autonome soit dévoyée par des créanciers peu
scrupuleux14
. La garantie autonome a pour objet de garantir le bénéficiaire contre
une inexécution, un retard, une malfaçon... mais non de lui permettre d'obtenir le
paiement de sommes indues.
Trois conditions doivent être réunies pour qu'un appel soit manifestement abusif :
- l'absence de droit du bénéficiaire contre le donneur d'ordre. Cette condition
sera remplie lorsque l'événement contre lequel était garanti le bénéficiaire ne s'est
pas réalisé (exécution du contrat, dans les délais prévus) ou s'est réalisé par le fait du
bénéficiaire (spoliation par le bénéficiaire des biens du donneur d'ordre par
exemple) ;
- la mauvaise foi du bénéficiaire. Cette mauvaise foi, nécessaire pour que l'appel
soit véritablement abusif, est la conscience de la part du bénéficiaire de son
absence de droit contre le donneur d'ordre. Ce peut également être la conscience
de causer un préjudice, auquel cas la mauvaise foi du bénéficiaire s'apparente à la
fraude ;
- le caractère manifeste de l'abus.L'abus ou la fraude doivent apparaître ouvertement,
de manière incontestable. Leur vérification ne doit pas nécessiter un examen
approfondi. Cette condition limite considérablement les hypothèses dans lesquelles
ce moyen de défense peut être opposé au bénéficiaire. Mais elle est indispensable
pour préserver l'intérêt de la garantie autonome et la sécurité conférée au créancier.
173. Si ces trois conditions sont remplies, le donneur d'ordre est en droit de faire
obstacle au paiement15
. Il peut solliciter du juge des référés qu'il adresse au garant
une défense de payer ou qu'il ordonne une mise sous séquestre des sommes correspondant
au montant de la garantie. S'agissant d'une action en référé, les conditions
posées par les articles 872 et 873 du Code de procédure civile sont requises : l'urgence
et l'absence de contestation sérieuse, ou en présence d'une telle contestation, le
risque d'un dommage imminent ou l'existence d'un trouble manifestement illicite.
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13. Cass. com., 20 déc. 1982, préc.
14. Cass. com., 11 déc. 1985, nº 83-14457 : D. 1986, p. 213, note Vasseur M, à propos des « affaires
iraniennes ».
15. A contrario, si l'appel de la garantie n'est ni frauduleux, ni abusif, le donneur d'ordre ne peut solliciter
le blocage du paiement : Cass. com., 12 oct. 2022, nº 21-11039.
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