Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 16e - 184

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT ADMINISTRATIF
2 CE, 10 févr. 1905, Tomaso Grecco
«Au fond :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le coup de feu qui a atteint le sieur Grecco ait été tiré par le gendarme
Mayrigue, ni que l'accident, dont le requérant a été victime, puisse être attribué à une faute du service public dont l'administration
serait responsable ; que, dès lors, le sieur Grecco n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par
laquelle le ministre de la Guerre a refusé de lui allouer une indemnité ; »
(Rejet de la requête).
■ Faits
Un taureau s'était échappé et fut poursuivi par la foule. Un coup de feu fut tiré sur le taureau, mais qui blessa le sieur
Grecco, qui était dans son logement. Il demanda réparation à l'État en arguant du fait que le coup de feu avait été tiré
par un gendarme et que la police aurait dû éviter un tel incident.
■ Portée
Le Conseil d'État opère ici un revirement conséquent de jurisprudence admettant le principe (même si le sieur Grecco
n'obtient pas gain de cause en l'espèce) de la responsabilité de l'État pour faute du fait de l'action des services
de police. Auparavant, ce service bénéficiait d'une irresponsabilité juridique de principe, compte tenu des difficultés
et des risques inhérents à cette mission. Aujourd'hui, le régime d'irresponsabilité de l'État a quasiment disparu.
On rappellera d'ailleurs que dans sa décision Blanco, le Tribunal des conflits avait bien précisé que la responsabilité
administrative n'était « ni générale ni absolue ». Dans l'arrêt ici commenté, le Conseil d'État n'indique pas explicitement
de quel type de faute, lourde ou simple, le requérant doit apporter la preuve. Il précisera dans les arrêts ultérieurs
qu'il s'agit en principe d'une faute lourde. Le juge administratif a donc par la suite, tout au long du XX
e siècle, précisé
les règles relatives à la responsabilité des services de police.
Ainsi, le Conseil d'État continue à exiger une faute lourde lorsque le service de police administrative agit dans des
conditions délicates, c'est-à-dire en principe sur le terrain (par exemple à l'occasion de l'usage de la force publique lors
d'une manifestation ou à l'occasion de troubles dans un établissement pénitentiaire ; mais ce n'est pas systématique :
une opération de terrain sans difficulté particulière peut entraîner l'application d'un régime de responsabilité pour
faute simple). Mais les cas d'application de la faute lourde sont devenus l'exception, et c'est en principe la faute
simple qui est requise désormais.
Aujourd'hui, une faute simple suffit normalement en ce qui concerne l'activité de réglementation de police (une faute
lourde reste par contre nécessaire si l'activité est particulièrement délicate ; cela a été jugé ainsi en matière de réglementation
de la circulation à Paris), ou en cas de carence de l'autorité de police à prendre une mesure adéquate ou à
faire respecter sa propre réglementation.
Plus généralement, on observe un déclin de la faute lourde dans la quasi-totalité des domaines d'intervention de
l'administration, y compris en urgence (SAMU, Sapeurs-pompiers, sauvetage en mer), lorsqu'il s'agit d'examiner les
conditions d'intervention du service. Mais le juge continue, bien entendu, à prendre en compte les difficultés spécifiques
de chaque action de l'administration pour y adapter l'étendue de la responsabilité encourue.
Enfin, on verra dans le dernier chapitre, consacré à la responsabilité sans faute, que les services de police peuvent
encore engager leur responsabilité sans faute, aussi bien sur le fondement du risque (en cas d'utilisation d'une arme à
feu lorsqu'un accident est causé à un tiers par rapport à l'opération de police) que sur celui de la rupture d'égalité
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