Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit administratif - 16e - 48

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT ADMINISTRATIF
4 CE, 19mai 1933, Benjamin
« Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant que s'il incombe au maire, en vertu de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884, de prendre les mesures qu'exige le
maintien de l'ordre, il doit concilier l'exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de réunion garantie par les lois
du 30juin 1881 et du 20 mars 1907 ;
Considérant que pour interdire les conférences du sieur René Benjamin figurant au programme des galas littéraires organisés
par le syndicat d'initiative de Nevers, qui présentaient toutes deux le caractère de conférences publiques, le maire
s'est fondé sur ce que la venue du sieur Benjamin à Nevers était de nature à troubler l'ordre public ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'éventualité de troubles, alléguée par le maire de Nevers, ne présentait pas un
degré de gravité tel qu'il n'ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l'ordre en édictant les mesures de police qu'il lui
appartenait de prendre ; que, dès lors, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir, les
requérants sont fondés à soutenir que les arrêtés attaqués sont entachés d'excès de pouvoir; »
(Annulation).
■ Faits
Le maire de Nevers a pris un arrêté interdisant la conférence publique que devait donner M. Benjamin (intervention qui
devait porter sur Courteline et Sacha Guitry), à la suite de l'information selon laquelle des instituteurs souhaitant
s'opposer à cette conférence organiseraient une manifestation. M. Benjamin décida donc d'organiser une conférence
privée, cette fois encore interdite par le maire. M. Benjamin conteste devant le Conseil d'État les deux arrêtés, comme
contraires à la liberté de réunion, reconnue par la loi.
■ Portée
Le Conseil d'État consacre une conception très favorable à la liberté de réunion, fortement protégée par la loi du 30 juin
1881, qui interdisait en principe toute interdiction ou autorisation préalable, mais qui exigeait simplement une déclaration
préalable (la loi du 28mars 1907 va même supprimer cette obligation de déclaration préalable). Autrement dit, une interdiction
préalable par une mesure de police administrative ne peut être légale qu'en cas de trouble potentiel à l'ordre public
et si aucune autre mesure moins contraignante n'est possible ou si aucune autre solution n'est envisageable (maintien de
l'ordre par les forces de l'ordre possible en l'espèce ; le juge peut se référer aux effectifs disponibles de la police).
Le juge consacre ici un contrôle de l'adéquation de la mesure de police aux circonstances, car une liberté publique
fortement protégée est en cause : la liberté d'expression. Il consacre donc dans ce cas un contrôle juridictionnel de
stricte proportionnalité de la mesure de police administrative aux circonstances. Ce contrôle n'est pas aussi favorable
lorsque le public n'invoque qu'une simple faculté (p. ex. celle d'utiliser le domaine public).
En l'espèce, le Conseil d'État annule les arrêtés du maire interdisant les conférences de M. Benjamin, car le maire aurait
très bien pu faire appel à la gendarmerie pour prévenir les troubles à l'ordre public. Le Conseil d'État consacre donc un
contrôle très poussé, à la fois sur l'existence d'une menace de trouble à l'ordre public et sur la sévérité de la mesure
prise, par rapport à cette menace.
Cette jurisprudence, toujours applicable, est l'illustration même de l'adage selon lequel « la liberté est la règle et la
mesure de police l'exception ». Elle va servir de modèle dans d'autres domaines, comme l'interdiction de la presse
périodique ou la dissolution d'associations. Le Conseil constitutionnel va s'en inspirer dans son contrôle de constitutionnalité
des lois qui risquent de compromettre l'exercice de libertés publiques, en vérifiant si les dispositions législatives
ne sont pas disproportionnées par rapport au but poursuivi par le législateur : le texte de loi ne doit pas porter
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