Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e - 144

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS
2 Cass. civ., 27 févr. 1951, Branly (Faute d'omission)
[...] Vu les articles 1382 et1383 du Code civil - Attendu que la faute prévue par les articles 1382 et1383 peut consister
aussi bien dans une abstention que dans un acte positif; que l'abstention, même non dictée par la malice et l'intention
de nuire, engage la responsabilité de son auteur lorsque le fait omis devait être accompli soit en vertu d'une obligation
légale, réglementaire ou conventionnelle, soit aussi, dans l'ordre professionnel, s'il s'agit notamment d'un historien, en
vertu des exigences d'une information objective (cassation).
■ Faits
Après avoir contesté la valeur et la portée des travaux scientifiques d'Édouard Branly dans un article publié en 1931, un
professeur écrit en 1939 un nouvel article consacré à l'« Histoire de la TSF » sans mentionner les travaux de Branly tout
en exposant ceux de Hertz, ceux d'autres savants et ses propres travaux comme ayant joué un rôle dans la réalisation
de la TSF. Les héritiers de Branly estiment que ce professeur a manqué à son obligation de renseigner exactement le
lecteur et engage ainsi sa responsabilité. La cour d'appel estime que le professeur en question n'avait pas agi de
mauvaise foi, ni par malice, ni avec l'intention de nuire à autrui. Les héritiers de Branly se pourvoient alors en cassation.
■ Portée
L'arrêt Branly est souvent présenté comme celui qui a admis que la faute d'abstention pouvait être source de responsabilité
civile aussi bien que la faute de commission.
Au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, la Cour de cassation y proclame en effet le principe selon lequel la
faute prévue par ces textes peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif. La Cour de cassation
précise que la mise en œuvre de la responsabilité civile ne doit pas forcément être subordonnée à une intention
de nuire. La responsabilité de son auteur peut être engagée chaque fois que « le fait omis devait être accompli soit en
vertu d'une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle, soit aussi, dans l'ordre professionnel, s'il s'agit notamment
d'un historien, en vertu des exigences d'une information objective ». En l'espèce, l'historien a volontairement
omis d'énoncer le nom de Branly dans un article consacré à la TSF alors que le savant était à l'origine de cette invention.
La cour d'appel, qui a refusé de condamner l'historien, aurait dû rechercher si, en ne mentionnant pas le nom
d'Édouard Branly, l'auteur de l'article « s'était comporté comme un écrivain ou un historien prudent, avisé et conscient
des devoirs d'objectivité qui lui incombaient ». Il a ainsi même omis de respecter les exigences d'une information objective
et commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité civile.
Les termes de l'article 1383 du Code civil, en ce qu'ils mentionnent la faute de négligence, permettaient en effet de
considérer qu'une abstention peut être source de responsabilité. La reconnaissance d'un comportement répréhensible
consistant en une abstention est désormais communément admise même si elle a pu susciter quelques réticences. La
doctrine a ensuite créé une distinction entre l'abstention pure et simple, qui n'est reliée à aucune activité et l'abstention
dans l'action, caractérisée lorsque l'auteur du dommage n'a pas pris les précautions suffisantes au cours d'une
activité déterminée. L'arrêt Branly peut entrer dans cette dernière catégorie : dans le cadre de sa profession, l'historien
n'a pas suffisamment fait preuve d'objectivité. Le régime de l'abstention dans l'action serait le même que pour la faute
par commission. En cas d'abstention pure et simple, certains auteurs avancent que la responsabilité civile ne pourrait
être engagée qu'en présence d'une obligation formelle d'agir (non-dénonciation de crime par exemple) alors que
d'autres l'acceptent dès lors qu'une personne a adopté un comportement passif alors qu'elle pouvait agir pour éviter
la survenance d'un dommage.
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