Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e - 148

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS
4 Cass. 2e civ., 19 nov. 1986, nº 84-16379 (Troubles
du voisinage)
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu le principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; (cassation)
■ Faits
Les époux X habitent un immeuble contigu à une boulangerie. Se plaignant des bruits et odeurs émanant de celle-ci, ils
assignent le boulanger en réparation du dommage qui leur aurait été ainsi causé par des troubles anormaux de voisinage.
Déboutés par la cour d'appel qui constate simplement que le bruit provenant d'un compresseur installé dans la
cave était doux et régulier, et en ordonne cependant l'isolation et la pose d'un capot de protection, ils se pourvoient
en cassation.
■ Portée
L'arrêt rendu le 19 novembre 1986 constitue l'aboutissement de l'autonomisation de la théorie des troubles du voisinage
par rapport à celle de l'abus de droit. Dans des circonstances de fait s'y prêtant particulièrement, la jurisprudence
avait sanctionné sur le fondement de l'abus de droit l'usage abusif qu'un propriétaire avait fait de son droit de
propriété, animé uniquement par une volonté de nuire à son voisin (Cass. req., 3 août 1915, Coquerel c/ClémentBayard).
Il s'est avéré ensuite que la plupart du temps, l'abus de droit était inadapté aux conflits de voisinage : la
théorie de l'abus de droit a laissé place à la théorie des troubles du voisinage, permettant une indemnisation fondée
dans un premier temps sur l'article 1382 du Code civil puis en dehors de toute référence à ce texte.
D'origine exclusivement prétorienne, la théorie des troubles du voisinage permet de réparer, en dehors de toute faute,
tout trouble du voisinage présentant un caractère anormal (Cass. civ., 27 nov. 1844). Par exception, ne sont pas
concernées les activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques qui existaient avant
l'installation du voisin incommodé. Dans un arrêt de 1971, l'autonomie de ce régime de responsabilité apparaît déjà
clairement : bien que visant l'article 1382 du Code civil, la Cour de cassation fonde l'obligation de réparation sur la
seule anormalité du trouble du voisinage, sans exiger de faute, et plus exactement en sanctionnant la cour d'appel qui
refusait la réparation en raison de l'absence de caractérisation d'une faute (Cass. 3e
civ., 4 févr. 1971, nº69-12528).
Consacrant l'autonomie de la théorie des troubles du voisinage, l'arrêt rendu le 19 novembre 1986 présente l'intérêt
d'abandonner toute référence à l'article 1382 du Code civil ; il était en effet paradoxal que la Cour de cassation
s'appuie sur un texte sanctionnant la responsabilité fondée sur la faute pour reconnaître une responsabilité sans faute.
Cette autonomie a été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 2022 par lequel elle expose que
«l'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui,
indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine
du trouble, responsable de plein droit » (Cass. 3e
civ., 16 mars 2022, nº18-23954).
Cette autonomie n'est pas démentie par le projet de réforme de la responsabilité de mars 2017 qui prévoit la création
d'un article 1244 disposant que « Le propriétaire, le locataire, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de
l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs, qui provoque un
trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, répond de plein droit du dommage résultant de ce trouble.
Lorsqu'une activité dommageable a été autorisée par voie administrative, le juge peut cependant accorder des
dommages et intérêts ou ordonner les mesures raisonnables permettant de faire cesser le trouble ». Les troubles du

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