Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e - 170

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS
3 Cass. ch. réunies, 2 déc. 1941, Franck (Notion de garde)
[...] Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X..., l'arrêt déclare qu'au moment où l'accident s'est produit, Y...,
dépossédé de sa voiture par l'effet du vol, se trouvait dans l'impossibilité d'exercer sur ladite voiture aucune surveillance ;
Qu'en l'état de cette constatation, de laquelle il résulte que Y..., privé de l'usage, de la direction et du contrôle de sa
voiture, n'en avait plus la garde et n'était plus dès lors soumis à la présomption de responsabilité édictée par l'article 1384,
alinéa 1er
, du Code civil, la cour d'appel, en statuant ainsi qu'elle l'a fait, n'a point violé le texte précité ;
■ Faits
Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1929, la voiture automobile appartenant à M. Y est volée alors qu'il l'avait confiée
à son fils Claude, qui l'avait laissée en stationnement dans la rue. Au cours de cette même nuit, le voleur renverse et
blesse mortellement M. X avec l'automobile volée. Les Consorts X demandent à M. Y réparation du préjudice résultant
pour eux de la mort de M. X sur le fondement des dispositions de l'article 1384, alinéa 1er
, du Code civil. La cour
d'appel rejette leur demande au motif qu'au moment où l'accident s'est produit, M. Y ayant été dépossédé de sa
voiture par l'effet du vol, se trouvait dans l'impossibilité d'exercer aucune surveillance sur la voiture.
Les Consorts X se pourvoient en cassation.
■ Portée
L'arrêt Franck est l'un des arrêts les plus importants rendus en matière de responsabilité du fait des choses. La responsabilité
du fait des choses est liée à la garde mais celle-ci n'a pas été définie par le Code civil. Il est apparu indispensable
de déterminer d'une part ce qu'elle signifiait c'est-à-dire si l'on devait s'attacher à la garde juridique ou à la
garde matérielle et d'autre part comment cette garde pouvait se trouver transférée, notamment en cas de vol de la
chose préalablement au dommage causé par celle-ci.
Pendant longtemps, la jurisprudence a rattaché la garde à un pouvoir juridique sur la chose : la garde supposait un
droit sur ou par rapport à la chose (Cass. civ., 3 mars 1936). Face à la résistance des juridictions du fond, les chambres
réunies furent convoquées. La Cour de cassation revint alors sur la solution qu'avait jusque-là fait prévaloir la chambre
civile et décida dans cet arrêt Franck du 2 décembre 1941 que le propriétaire, « privé de l'usage, de la direction et du
contrôle de sa voiture, n'en avait plus la garde ». La garde découle d'un simple pouvoir de fait, défini comme un
pouvoir d'usage, de direction et de contrôle de la chose. Dans ces circonstances, le voleur est considéré comme le
gardien et assume la responsabilité des dommages causés du fait de la chose car lui seul peut empêcher qu'elle cause
des dommages à autrui. La solution marque un recul de l'objectivisation de la responsabilité.
Le propriétaire se trouve être très souvent le gardien de la chose. Il découle de la jurisprudence ultérieure que le
propriétaire est souvent présumé l'être ; il doit alors prouver qu'il a perdu son pouvoir d'usage, de direction et de
contrôle de la chose s'il veut être exonéré de toute responsabilité. Cette vision est aussi celle du projet de réforme de
la responsabilité civile de mars 2017 qui dispose à l'alinéa 4 de l'article 1243 que « Le gardien est celui qui a l'usage, le
contrôle et la direction de la chose au moment du fait dommageable. Le propriétaire est présumé gardien ».
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