Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e - 48

46
L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS
5 Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, nº 98-20817 (Erreur inexcusable)
[...] Vu l'article 1116 du Code civil ;
[...] Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande en annulation pour dol, l'arrêt retient que les conditions d'une telle
annulation ne sont pas réunies quant aux griefs avancés par M. Y... en raison du caractère inexcusable de l'erreur dont il
soutient avoir été victime, l'ignorance de l'exploitation sans autorisation d'ouverture et en non-conformité aux règles de
sécurité n'étant pas admissible de sa part alors qu'il avait une obligation particulière de se renseigner compte tenu du
caractère professionnel de l'opération et que des vérifications élémentaires auprès des cédants lui auraient révélé l'exacte
situation administrative de l'établissement ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas d'exclure l'existence d'une réticence dolosive et alors qu'une
telle réticence dolosive, à la supposer établie, rend toujours excusable l'erreur provoquée, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ; (cassation)
■ Faits
Par acte rédigé par Me
Z, notaire, M. X achète un immeuble à usage d'hôtel à une SCI puis le fonds de commerce
exploité dans cet hôtel à une société Y. Il s'avère ensuite que les vendeurs ont caché à l'acheteur que l'hôtel était
exploité sans autorisation d'ouverture et sans que soient respectées les règles de sécurité. Considérant avoir été
victime d'un dol de la part des vendeurs, l'acheteur demande en justice la réduction du prix, l'allocation de
dommages-intérêts et subsidiairement l'annulation de la vente ainsi que la condamnation du notaire au versement de
dommages-intérêts ; il estime que ce dernier aurait dû l'informer de l'illégalité de l'exploitation au jour de la vente et
du non-respect des règles de sécurité. La cour d'appel le déboute, estimant qu'il a commis une erreur inexcusable en
ne se renseignant pas sur la situation de l'établissement alors qu'il avait une obligation particulière de se renseigner
compte tenu du caractère professionnel de l'opération ; en outre, des vérifications élémentaires auprès des vendeurs
lui auraient permis de connaître la situation administrative réelle de l'établissement. M. X se pourvoit en cassation.
■ Portée
Doctrine et jurisprudence s'accordent de longue date pour estimer qu'il ne peut y avoir de nullité lorsque le contractant
a commis une erreur spontanée inexcusable, même si elle a vicié son consentement : « l'erreur n'est cause de nullité
que dans la mesure où elle est excusable » (Cass. soc., 3juill. 1990, nº87-40349). Le caractère inexcusable de cette
erreur constitue une faute qui entraîne en quelque sorte pour elle une déchéance du droit à demander la nullité.
Cette faute peut résulter notamment du non-respect de l'obligation de s'informer qui incombe à tout contractant. Le
contractant qui omet de s'informer alors qu'il pouvait le faire donne à son erreur un caractère inexcusable car son
erreur est alors illégitime. Cette solution se justifie par un impératif de loyauté qui, d'une part interdit à la victime de
se prévaloir de sa propre faute afin d'échapper à ses engagements, d'autre part évite de fragiliser la relation
contractuelle en remettant en cause la conviction du cocontractant qu'il traite avec un partenaire diligent. Le refus
d'annuler le contrat pour erreur inexcusable repose ainsi sur l'idée que la victime de l'erreur a commis une faute. Il en
va autrement lorsque la faute de la victime a été provoquée par le dol : la réticence dolosive fait alors perdre à l'erreur
son caractère inexcusable. Le dol a en effet un aspect dualiste : s'il constitue certes un vice du consentement
provoquant une erreur, il constitue également un délit civil, c'est-à-dire une faute précontractuelle, consistant dans
une malhonnêteté, qui doit être sanctionnée. La caractérisation du dol a pour conséquence de contrebalancer la faute
de l'auteur de l'erreur inexcusable : ce dernier peut demander la nullité nonobstant le caractère inexcusable de son
erreur. La Cour de cassation choisit d'adopter ce raisonnement dans cet arrêt par lequel elle désapprouve la cour

Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e

Table des matières de la publication Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e