Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e - 80

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS
1 Cass. civ., 15 avr. 1872, Foucault et Coulombe c/Pringault
(Interprétation du contrat - Dénaturation)
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes de cet article les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Qu'il n'est pas permis aux juges, lorsque les termes de ces conventions sont clairs et précis, de dénaturer les obligations
qui en résultent, et de modifier les stipulations qu'elles renferment;
Attendu que la clause invoquée par les demandeurs en cassation pour refuser le paiement des primes réclamées par Z, en
exécution d'un avis réglementaire affiché dans l'usine de la société veuve Y et X, porte en termes exprès « qu'il est bien
entendu que, n'importe pour quel cas, la prime demeurera facultative » ;
Que cette clause, par laquelle ladite société stipule qu'elle ne pourra être contrainte en paiement de la prime, est formelle
et opposable dans tous les cas, aux ouvriers de l'usine ; (...)
D'où il suit qu'en condamnant la société veuve Y etX à payer les primes réclamées par Z, le jugement attaqué a formellement
violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil ; (cassation)
■ Faits
M. Z réclame le paiement d'une prime facultative prévue par un avis réglementaire affiché dans l'usine d'une société X
dont il est l'un des salariés. Le conseil de prud'hommes fait droit à sa demande au motif qu'il aurait effectué son travail
conformément à l'avis affiché et qu'il aurait précédemment touché des primes. La société X se pourvoit en cassation.
■ Portée
Dans un arrêt Lubert en date du 2 février 1808, la Cour de cassation avait posé le principe selon lequel elle laissait aux
juges du fond le soin d'interpréter le contrat dans la mesure où elle n'avait pas elle-même à connaître du fond de
l'affaire : elle pose le principe selon lequel, s'agissant d'une question de fait, les juges du fond sont souverains pour
interpréter les contrats.
L'arrêt du 15 avril 1872 vient apporter une limite aux principes posés par l'arrêt Lubert : entendant restreindre les
pouvoirs des juges du fond et tout arbitraire de leur part, la Cour de cassation ne censure pas la mauvaise interprétation
du contrat mais entend en contrôler la dénaturation. Le contrat ne doit faire l'objet d'une interprétation que
lorsque cela s'avère nécessaire. S'il est par conséquent impossible de former un pourvoi en cassation sur le fondement
de la mauvaise interprétation de la volonté des parties par le juge, il est possible de le faire sur le fondement de l'inutilité
de cette interprétation. La frontière peut parfois être difficile à déterminer. Lorsqu'une clause d'un contrat est
obscure, il est du devoir du juge de l'interpréter ; si la clause est claire et précise c'est-à-dire lorsqu'elle n'est susceptible
que d'un seul sens et se trouve dépourvue d'ambiguïté, le juge n'a pas le droit de l'interpréter. En effet, les juges du
fond ne doivent pas pouvoir, sous couvert d'interprétation du contrat, modifier les clauses du contrat lorsque celles-ci
sont claires et précises : « il n'est pas permis aux juges, lorsque les termes de ces conventions sont clairs et précis, de
dénaturer les obligations qui en résultent, et de modifier les stipulations qu'elles renferment ».
S'il était permis aux juges du fond de s'arroger le droit d'interpréter un contrat dont les clauses n'ont rien d'équivoque,
il en résulterait une méconnaissance de la volonté des parties et par conséquent une violation du principe de la force
obligatoire du contrat prévu à l'article 1134, dans sa version antérieure à 2016, au visa duquel cet arrêt est rendu, et
qui prévoyait que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Le juge ne doit
pas se substituer aux parties dans la détermination de leurs engagements contractuels.
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