Les Carrés Rouge - L'essentiel des grands arrêts du droit des obligations - 6e - 98

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L'ESSENTIEL DES GRANDS ARRÊTS DU DROIT DES OBLIGATIONS
2 Cass. 1re civ., 13 oct. 1998, nº 96-21485 (Rupture unilatérale
du contrat)
[...] Mais attendu que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de
façon unilatérale à ses risques et périls, et que cette gravité, dont l'appréciation qui en est donnée par une autorité ordinale
ne lie pas les tribunaux, n'est pas nécessairement exclusive d'un délai de préavis ; (rejet)
■ Faits
Un médecin anesthésiste se voit consentir, en même temps que d'autres anesthésistes avec lesquels il était associé au
sein d'une société civile de moyens, l'exclusivité des actes de sa spécialité pour une durée de trente ans. Il acquiert en
contrepartie des actions de la clinique au sein de laquelle il exerce sa profession. Après avoir commis une série de
fautes déontologiques et contractuelles, il est convoqué à la réunion du conseil d'administration afin d'être entendu
sur son comportement professionnel et se voit notifier par la clinique sa décision de mettre un terme à leurs relations
contractuelles après un préavis de six mois. Le médecin estime la rupture unilatérale abusive et réclame une indemnité
complémentaire de préavis ainsi que des dommages-intérêts. Débouté par la cour d'appel, il se pourvoit en cassation.
■ Portée
Si la modification de la révocation du contrat d'un commun accord des parties était permise depuis longtemps par une
interprétation a fortiori de l'ancien article 1134, alinéa 2 par la jurisprudence, il en va autrement de sa remise en cause
par l'un des cocontractants unilatéralement. L'arrêt rendu le 13 octobre 1998 par la première chambre civile est le
premier ayant admis en des termes aussi généraux la faculté de rompre unilatéralement un contrat dans des circonstances
spécifiques et limitées : « la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie
y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ».
La possibilité de rompre un contrat unilatéralement n'était pas totalement inexistante avant cet arrêt : admise lorsque
les parties l'ont prévu (par exemple dans la vente avec arrhes prévues par l'article 590 du Code civil) ou permise par le
législateur, notamment dans le cadre de contrats à exécution successive (contrat de bail ou contrat de travail par
exemple) mais également dans les contrats à exécution instantanée (par exemple, possibilité de révoquer les donations
consenties entre époux), elle est plus exceptionnelle dans les contrats à durée déterminée (par exemple en matière de
mandat). Il est admis, au-delà de ces textes particuliers, qu'il existe un principe général permettant à chacune des
parties de s'évader du contrat lorsqu'il est à durée indéterminée. Un certain nombre de textes récents sur la protection
des consommateurs ont également prévu des facultés de rétractation ou de repentir (ex. : C. consom., art. L. 222-7).
Parce qu'elle porte atteinte à la force obligatoire du contrat, la Cour de cassation exige que la résolution unilatérale du
contrat n'intervienne qu'à la condition qu'existe un comportement grave du débiteur. Le manquement grave est déjà
exigé des juges du fond par la Cour de cassation lorsqu'ils prononcent la résolution sur le fondement de l'article 1184
ancien du Code civil (par exemple Cass. com., 11 déc. 1991). La Cour de cassation précise en outre qu'en rompant seul
le contrat, le créancier agit à ses risques et périls c'est-à-dire qu'il pourra être sanctionné par le juge s'il s'avère que le
comportement du débiteur ne revêt pas le caractère grave requis pour mettre fin au contrat.
S'inspirant de cette jurisprudence, l'une des principales innovations de l'ordonnance du 10 février 2016 en matière
d'inexécution du contrat réside dans la possibilité donnée au créancier, à certaines conditions, de résoudre unilatéralement
le contrat. La résolution peut résulter d'une notification du créancier au débiteur à condition que l'inexécution
soit suffisamment grave (art. 1224, al. 1er
). L'article 1226 du Code civil reprend en partie les mêmes termes que la

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