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Toutefois, aucune de ces réformes n'a permis à ce jour d'endiguer le flot d'amendements qui paralyse
la procédure législative. Aussi, ces phénomènes qui dépassent les phénomènes majoritaires ou de parti
politique, contraignent le gouvernement à user de toutes les facultés dont il dispose pour faire adopter un
texte, au risque d'être perçu comme un choix que l'on a soustrait du processus démocratique. Ce faisant,
le droit d'amendement, loin d'être un vecteur d'amélioration et de vitalité démocratique, devient tout au
mieux un outil linéaire d'acceptation des choix initiaux des membres du gouvernement.
Question 2 - La dignité de la personne humaine
Dans une ordonnance du 14 avril 2023, le juge des référés du Conseil d'État a rejeté la demande présentée
par des associations de protection de l'enfance visant à faire retirer un tableau exposé au Palais de Tokyo.
Il a considéré que si l'œuvre représentait une scène à connotation sexuelle qui impliquerait un adulte et un
enfant, elle ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité de la personne humaine.
Cette jurisprudence illustre une nouvelle fois la place particulière de la dignité de la personne humaine
dont l'objet et la portée obligent à n'être jamais figés.
Il n'est donc pas surprenant que la notion de dignité de la personne humaine soit apparue tardivement en
droit français. À l'heure actuelle, celle-ci a toujours résisté à recevoir une définition satisfaisante capable de
fédérer tous les éléments qui peuvent s'y rattacher. De manière générale, il s'agit d'une qualité attachée à
toute personne humaine. Elle implique le respect de toute intégrité humaine, qu'elle soit d'ordre physique
ou moral. Cette définition serait incomplète si elle n'était pas complétée par la particulière plasticité de la
notion de « dignité », laquelle évolue nécessairement en fonction des préoccupations propres de la société.
En ce sens, elle n'est pas si différente de la morale. Elle s'en distingue pourtant dans la mesure où la dignité
définit l'essence même de tout individu.
Elle reste pourtant absente du texte de la Constitution de 1958 à la différence de la Loi fondamentale
allemande du 23 mai 1949 (art. 1er
) ou de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 (art. 10). S'il
peut être objecté que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen prévoit que tous les
citoyens sont admissibles aux « dignités, places et emplois publics [...] », la notion de « dignité » employée
ici est différente, en tant qu'elle renvoie à la qualité de membre d'un ordre civil ou militaire (Cons. const.,
21 nov. 2014, n° 2014-429 QPC, M. Pierre T.).
La notion de dignité de la personne humaine a d'abord été érigée comme un objectif à valeur constitutionnelle
par le Conseil constitutionnel « contre toute forme d'asservissement et de dégradation » au sens du premier
alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (déc. n° 94-343/344 DC, 27 juilL. 1994, décision dite
« bioéthique »). Très vite, la dignité humaine a ensuite été reconnue parmi les droits positifs que toute
personne peut revendiquer et invoquer devant le juge. Ainsi, dès l'année suivante, le Conseil d'État a enrichi
le triptyque traditionnel de l'ordre public (sécurité, salubrité, tranquillité) par la dignité humaine qui en
forme aujourd'hui une des composantes essentielles (CE, 27 oct. 1995, Commune de Morsang-sur-Orge).
Au niveau international, si la dignité humaine n'apparaît pas en tant que telle dans la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme, la Cour rattache la dignité humaine à l'article 3 de la Convention, qui
prohibe la torture et les traitements inhumains et dégradants (CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni)
et à l'article 8 qui protège la vie privée (CEDH, 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni). La Charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne consacre explicitement la protection de la dignité humaine (art. 1er
).
Cette reconnaissance progressive de la dignité de la personne humaine parmi les différents niveaux de la
hiérarchie des normes témoigne d'une particularité qui lui est propre. En effet, la dignité de la personne
humaine apparaît comme une notion en devenir, qui mature constamment au gré des consécrations textuelles
ou jurisprudentielles. Celle-ci trouve ainsi à s'exprimer dans des matières dédiées pour lesquelles elle agit
comme une réponse-socle, voire un guide, au point de pouvoir motiver des atteintes aux autres libertés.
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