Fonction publique - Concours ENM 2025 - 8e - 168

II - La dignité humaine comme composante de l'ordre public justifiant
des atteintes aux libertés
La dignité humaine a été consacrée comme composante de l'ordre public (A), sur laquelle l'administration
peut se fonder pour restreindre les libertés publiques (B).
A - LA DIGNITÉ HUMAINE COMME COMPOSANTE DE L'ORDRE PUBLIC
La police administrative a pour objectif de prévenir les atteintes à l'ordre public.
Les composantes traditionnelles de l'ordre public sont formées de la sécurité, de la salubrité et de la
tranquillité publiques, en partie codifiées aujourd'hui à l'article L. 2212-2 du Code général des collectivités
territoriales. Maurice Hauriou qualifiait cet ordre public de « matériel et extérieur », en ce qu'il ne vise à
prévenir que les atteintes physiques, sans tenir compte des conséquences de nature psychologiques ou
affectives.
Toutefois, la notion d'ordre public n'est pourtant pas figée, en témoigne la reconnaissance de la moralité
comme composante de l'ordre public à condition que des circonstances locales le justifient (CE, 18 déc.
1959, Société les films Lutétia).
Si la moralité n'est évidemment pas assimilable au respect de la dignité de la personne humaine, elle
a toutefois grandement participé à la constitution d'un ordre public « immatériel », qui a pour objet de
rééquilibrer l'ordre public qui doit pouvoir tenir compte, également, de l'existence de droits subjectifs, voire
de droits inhérents à la personne humaine.
Ainsi, par un arrêt de 1995, le Conseil d'État a consacré le respect de la dignité humaine comme nouvelle
composante de l'ordre public (CE, 27 oct. 1995, Commune de Morsang-sur-Orge). Contrairement à la
moralité publique, aucune circonstance locale particulière n'est ici nécessaire : la dignité humaine apparaît
ainsi comme un concept universel. La dignité bénéficie au surplus d'une protection absolue : un individu ne
peut renoncer à sa dignité, dès lors qu'elle nuit à la société dans son ensemble. À cet égard, la circonstance
que le protagoniste dans l'affaire du « lancer de nain » était volontaire est sans incidence sur l'obligation
pour l'administration d'interdire cette pratique, dès lors que celle-ci porte aussi atteinte à la dignité des
personnes souffrant du même handicap.
En somme, cette décision témoigne de la particulière flexibilité de la notion de « dignité », qui autorise
l'administration à empêcher une personne de disposer d'elle-même si elle estime que celle-ci porte atteinte
à sa dignité.
B - LE RESPECT DE LA DIGNITÉ COMME RESTRICTION AUX LIBERTÉS PUBLIQUES
Les mesures de police administrative doivent avoir pour seul objet de prévenir les troubles à l'ordre public,
et elles doivent être proportionnées à cet objectif (CE, 19 mai 1933, Benjamin). Le respect de la dignité
humaine peut ainsi fonder des mesures de police et restreindre des libertés, plus particulièrement en
matière de liberté d'expression.
À titre d'exemple, la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse prévoit que celles-ci
ne doivent comporter aucun contenu présentant un danger pour la jeunesse en raison d'atteintes à la
dignité humaine. La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit, dans son
article 1er
, que la communication au public par voie électronique est libre, et qu'elle ne peut être limitée
par, entre autres, le respect de la dignité de la personne humaine. À cet égard, le Conseil d'État a confirmé
167
ANNALES CONCOURS 2023
Droit public
Fonction publique - Concours ENM 2025 - 8e

Table des matières de la publication Fonction publique - Concours ENM 2025 - 8e
