Fonction publique - Concours ENM 2025 - 8e - 221

Dans ses Principes du gouvernement représentatif (1995), Bernard Manin interprète ainsi le rôle des
assemblées comme « la conséquence d'une croyance préalable et plus fondamentale aux vertus de la discussion
par une instance collective et au principe du gouvernement par la vérité. Selon cette interprétation, la structure
des croyances justifiant le gouvernement représentatif défini comme régime d'assemblée aurait été la suivante :
la vérité devant faire la loi et la discussion étant par ailleurs le moyen le plus propre à faire émerger la vérité,
l'instance politique centrale doit être un lieu de discussion, c'est-à-dire une assemblée. »
Dans l'ordre externe, dominé par les États depuis que le traité de Westphalie ayant clôturé la guerre de
Trente ans en 1648 les a consacrés comme acteurs centraux des relations internationales, il faut bien
constater l'irréductibilité des antagonismes, des intérêts et des positions. L'ordre international est ainsi
dominé par le spectre de la guerre, la recherche de solutions pacifiques s'inclinant bien souvent devant
l'appel aux armes - l'éclatement du conflit russo-ukrainien aux portes de l'Europe en février 2022 est là
pour en témoigner.
Pour sortir de cet état de guerre perpétuelle constaté dès le xviie
siècle, les philosophes des Lumières
proposèrent, à l'image d'Emmanuel Kant dans Vers la paix perpétuelle (1795), l'instauration d'un ordre
international fondé sur la reconnaissance mutuelle et la règle de droit, laquelle substitue la loi commune
et impersonnelle à la violence naturelle des relations interétatiques. C'est par la reconnaissance d'une règle
qui s'impose à tous et limite la liberté d'action qu'advient la coexistence pacifique. En effet, le droit repose
à la fois sur le consentement de la volonté à la loi et sur l'exclusion des rapports violents. Ainsi, les « lois
internationales » doivent notamment proscrire toute guerre d'agression, interdire les pratiques les plus
condamnables et interdire les armées de métier dont l'existence pousse logiquement au conflit.
Après les guerres du xxe
les nations démocratiques ont ainsi élaboré un système international fondé sur la discussion et la règle de
droit. Aux lendemains de la Première Guerre mondiale (la « der des ders »), la création de la Société des
Nations (SDN) fondée sur les quatorze points du président Woodrow Wilson témoigne d'une fragile prise
de conscience que la paix doit reposer sur un dispositif de prévention, de maîtrise et de règlement des
conflits entre États. La fin de la Seconde Guerre mondiale entraîne quant à elle la création d'une multitude
d'organisations mondiales à vocation économique, politique et culturelle : l'Organisation des Nations unies
(ONU), se substituant à la SDN ; le Fonds monétaire international (FMI) ; le GATT (remplacé par l'OMC en
1995 après la chute de l'URSS). L'idée, poussée par la puissance américaine, est qu'il faut non seulement
assurer un équilibre stratégique, mais également garantir les conditions d'une prospérité mondiale afin
d'éviter l'engrenage mortifère de la crise économique de 1929, dont tous s'accordent à dire qu'elle fut à
l'origine d'une déstabilisation des sociétés européennes ayant conduit au fascisme.
B - LA CRITIQUE DU CONSENSUS DÉMOCRATIQUE
La philosophie libérale a de longue date pointé le risque de tyrannie inhérent au fonctionnement
démocratique. Dans De la démocratie en Amérique (1835), Alexis de Tocqueville estime que le processus
démocratique conduit à une forme de tyrannie de l'opinion publique : puisque c'est la majorité qui décide,
la minorité ne décide pas. On reconduit donc la logique propre à la tyrannie : le pouvoir de tout faire est
accordé à quelques-uns sur la foi de la volonté d'une partie seulement de la population.
Se lit ici la méfiance traditionnelle des libéraux face à la démocratie directe : chez eux le peuple, par la voie
de l'opinion publique, ne s'analyse pas comme la source définitive de la légitimité politique mais comme
un pouvoir comme un autre, tout autant susceptible de dégénérer en oppression. Il y a, chez les libéraux,
une critique de la mythologie démocratique qui voit dans l'expression de la volonté générale une forme
rationnelle de progression vers le bien commun et l'intérêt général. Pour Tocqueville et les libéraux, le
processus démocratique peut parfaitement être perturbé en son cœur par un processus passionnel.
220
siècle, qualifié « d'âge des extrêmes » par l'historien britannique Éric Hobsbawm,
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