Fonction publique - Concours ENM 2025 - 8e - 224

Dans son ouvrage La Faiblesse du vrai. Ce que la post-vérité fait à notre monde commun (2018), Myriam
Revault d'Allonnes estime que les thèses complotistes comme les « fake news » mettent la démocratie au
défi en ce qu'elles dissolvent l'opposition entre vérité et croyance sur lequel repose pourtant l'espace public
moderne, qui présuppose le partage d'une raison commune afin que la concurrence des idées profite aux
meilleures d'entre elles. Ainsi que le rappelle promptement Hannah Arendt dans La Crise de la culture
(1961), « la liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas
les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat. » Or, sous l'empire de la post-vérité, triomphe une forme de
subjectivisme voulant que chacun ait le droit de définir sa propre vérité, celle-ci devant être respectée
comme telle puisque la contester reviendrait à atteindre la personne elle-même. Si le débat démocratique
exige une démarcation claire entre faits, objectivement vérifiables, et opinions, propres à chaque individu
et pouvant être librement débattues, il semblerait donc bien que le relativisme des secondes ait gagné le
camp des premiers. La démocratie est donc confrontée à l'extension de son principe égalitaire dans un
domaine où il ne devrait pourtant avoir droit d'ingérence : celui de la vérité. Finalement, le régime de postvérité
autorise l'idée qu'il n'y a pas de vérité, mais seulement des opinions différentes qui se valent. D'où
l'attrait pour les faits alternatifs mis en scène dans des théories du complot.
B - COMMENT RÉPONDRE À LA CRISE DU COMMUN ?
L'historien Pierre Rosanvallon parle du passage d'une « démocratie d'autorisation » (limitée à l'autorisation
des représentants par le vote) à une « démocratie d'exercice » (passant par le contrôle, la surveillance et
l'évaluation des gouvernants) ; le constitutionnaliste Dominique Rousseau porte l'idée d'une « démocratie
continue » (par laquelle des assemblées délibératives de citoyens exerceraient un contrôle sur l'action des
organes représentatifs traditionnels) ; le politiste Georges Burdeau évoque quant à lui la transition d'une
« démocratie gouvernée » à une « démocratie gouvernante ». Différents vocables pour une même idée :
régénérer l'expression démocratique pour retisser le lien perdu nécessaire à l'élaboration de consensus et
de compromis politiques.
Concrètement, les réformes proposées empruntent généralement deux voies distinctes et complémentaires :
renforcer la démocratie directe - par exemple en multipliant les référendums, soit en faisant de l'Assemblée
nationale un miroir plus fidèle des courants politiques comme de la diversité sociale du pays. Le thème de
la vie
République, apparu dans le débat public dès les années 1970, s'est ainsi imposé ces dernières années à
la faveur de mouvements politiques participatifs (à l'image de Nuit debout en 2016) ouvertement inspirés
de l'idéal de l'agora grecque.
Au-delà de la question de la participation des citoyens aux institutions nationales, il convient de rappeler
que l'échelon étatique, jugé trop lointain et trop vertical, est remis en cause par le développement de la
décentralisation. Soucieuse de répondre aux nouvelles exigences de proximité, la France s'est engagée sur
la voie de la décentralisation en 1982 avec les lois Defferre (du nom du ministre de l'Intérieur de François
Mitterrand), qui ont notamment institué le président du conseil général à la tête du département en lieu
et place du représentant de l'État qu'est le préfet. Cette politique sera poursuivie sous les mandatures
suivantes, de « l'acte II » de la décentralisation sous Jacques Chirac (important transfert de compétences
nouvelles au profit des collectivités territoriales, constitutionnalisation de la décentralisation), jusqu'à la loi
dite « 3Ds » adoptée durant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
Cependant, face au caractère souvent illisible et complexe de la décentralisation, Claudy Lebreton et Olivier
Rouquan, auteurs de Régénérer La Démocratie par les territoires (2022), estiment que « mieux décentraliser »
permettrait de retrouver un sens collectif et un lien national en tenant compte des solidarités de proximité.
Face à un État qu'ils jugent autoritaire et ayant atteint les limites de l'action publique efficace, développer la
démocratie au niveau local doit permettre de redonner de l'autonomie aux citoyens et, de ce fait, l'envie de
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