Fonction publique - Concours ENM 2025 - 8e - 233

1. La caducité
La réforme du droit des contrats consacre la caducité (C. civ., art. 1186 et 1187 nouveaux) ; cette notion était
jusque-là inconnue du Code civil. Il est évident que cette consécration résulte de la volonté du législateur de
reprendre les enseignements des arrêts de 2013 et 2018 respectivement en matière de location financière
et de crédit-bail. Précisément, le nouvel article 1186 alinéa 2 du Code civil dispose que « Lorsque l'exécution
de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont
caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution
du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie ». Le mérite de ce texte est
évident : il constitue une consécration légale d'une limite à l'effet relatif des conventions et ne s'embarrasse
pas pour ce faire avec la barrière entre les parties et les tiers.
Demeure deux observations sous forme de regrets : d'une part, la numérotation du Code civil en suite de la
réforme du droit des contrats interpelle toujours plus de quatre ans après l'ordonnance de 2016 et plus de
deux ans après la loi de rectification de 2018. Le texte sur la caducité cité est placé dans le chapitre relatif à
la formation du contrat, alors que la problématique des ensembles contractuels est davantage relative à la
question de l'exécution des conventions. À ce titre, en tant qu'exception à l'effet relatif des contrats, le texte
aurait davantage eu sa place après les textes portant ce principe et ses effets (C. civ., art. 1199 et s.). D'autre
part, le texte ne consacre qu'imparfaitement la jurisprudence en la matière, en se contentant d'évoquer les
« contrats (...) nécessaire à la réalisation d'une même opération » ; la notion d'ensemble contractuel et le
critère de qualification de ces ensembles et opérations sont les oubliés du texte de sorte que la loi n'offre
pas la sécurité juridique espérée.
2. La responsabilité du contractant vis-à-vis du tiers
Le développement des chaînes de contrats a mené à un affaiblissement prétorien de la distinction entre
partie et tiers au contrat notamment en matière de responsabilité. Cependant, le projet de réforme du
droit de la responsabilité civile de mars 2017 ne consacre que partiellement la jurisprudence en proposant
l'adoption d'un nouvel article 1234 alinéa 1er
aux termes duquel « lorsque l'inexécution du contrat cause un
dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement
de la responsabilité extracontractuelle (...) ». Se trouve ainsi instauré, ce qui est une évidence au sens du
principe de l'effet relatif des conventions, à savoir que le tiers qui agit en responsabilité à l'encontre d'un
contractant doit le faire sur le fondement de la responsabilité délictuelle. À ce titre, non seulement le
législateur consacre la jurisprudence Besse de 1991, mais encore il rappelle le régime de responsabilité
entre deux personnes tierces l'une à l'autre.
Le projet de réforme ne s'arrête pas sur l'énoncé de ce postulat, puisque le même texte prévoit que « Toutefois,
le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d'un contrat peut également invoquer, sur le fondement
de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage
(...) ». Autrement dit, le projet de réforme de 2017 et la proposition du Sénat à sa suite ouvrent la voie à un
bris de la jurisprudence Bootshop de 2006. S'il est vrai que la Cour de cassation a parfois elle-même semblé
hésitante, elle a récemment réaffirmé la solution de l'arrêt Bootshop pour s'opposer clairement à ces projets
de texte (Ass. plén. 13 janv. 2020).
En conclusion, la conception classique de la relativité des conventions semble aujourd'hui remise en
cause par un modèle judiciaire global qui ne permet plus de considérer le tiers comme en dehors du
champ contractuel en toutes hypothèses. Le tiers ne peut définitivement ignorer la réalité du contrat et
le contractant ne peut ignorer les conséquences de sa volonté sur la situation du tiers. Cette interaction
nouvelle entre le contrat et le tiers explique l'affaiblissement du principe prétorien de non-cumul des
responsabilités délictuelle et contractuelle, lequel a vocation pourtant à être consacré dans la prochaine
réforme de la responsabilité civile.
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Droit civil et procédure civile
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