Fonction publique - Concours-Police-Officier-et-Commissaire 2025 - 5e - 15

Se pose ainsi la question de la coexistence de la voix de la rue et de celle des institutions, et des modes de
régulation de la conflictualité inhérente à l'existence politique, qui peut parfois déboucher sur de violents
affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants/protestataires/révolutionnaires. Ces dernières
années, nous avons assisté à un regain de force de ce que nous pourrions appeler une « démocratie de
la protestation » (Gilets jaunes, émeutes de banlieues, manifestations parfois violentes...), réactivant
la thématique de la crise des institutions représentatives, accusées de demeurer sourdes aux légitimes
revendications populaires. Selon une vision traditionnelle de la participation politique, ce recours accru
à la manifestation est problématique en ce qu'elle court-circuite l'exercice « légitime » du pouvoir par les
gouvernements élus par le peuple.
[Problématique] La « concurrence des légitimités », entre une rue se prévalant de la force du nombre et
des institutions élues au suffrage universel, témoigne-t-elle d'une crise de la démocratie représentative et
des modes de régulation du conflit politique ?
[Annonce de plan] Nous verrons dans un premier temps que la rue, lieu légitime de l'expression démocratique,
ne saurait imposer sa voix à celle des institutions élues (I), avant d'envisager la crise contemporaine de la
démocratie représentative dont témoigne le recours à la protestation de rue (II).
I. Lieu privilégié d'expression politique, la rue demeure soumise à la
voix des institutions légitimes
Si la liberté de manifester ses opinions par tous moyens (pourvu qu'ils ne troublent pas l'ordre public) est
au cœur du dispositif démocratique (A), la voix des institutions représentatives prime celle de la rue (B).
A. EN DÉMOCRATIE, LA RUE A BEL ET BIEN « VOIX AU CHAPITRE »
[Idée n° 1 : La rue est intimement liée à l'histoire de notre démocratie] L'on pourrait objecter au président de
la République, qui affirmait que « la démocratie, ce n'est pas la rue », que la démocratie est précisément
née dans la rue, conçue comme un lieu de délibération, de contestation, de confrontation - autrement dit,
la rue est un espace public, au même titre que les salons des Lumières, les tribunes des assemblées ou les
colonnes des journaux.
En effet, en France plus qu'ailleurs, la tradition révolutionnaire a conduit à magnifier la rue comme espace
privilégié de la démocratie. La mémoire des insurrections populaires, la mythologie nationale (l'hymne
La Marseillaise, fête du 14 juillet commémorant la prise de la Bastille) et l'iconographie révolutionnaire
(le tableau La Liberté guidant le peuple peint par Eugène Delacroix en 1830) célèbrent la révolte de la
rue et font de celle-ci un lieu central de notre imaginaire politique où le peuple tout entier déploie sa
souveraine volonté. Aujourd'hui encore, les forces politiques se réclamant de la tradition révolutionnaire
(LFI, par exemple) invoquent le chapitre inaugural de notre démocratie pour justifier le dépassement de
nos institutions.
Comme le rappelle l'historien Michel Winock dans La Fièvre hexagonale. Les grandes crises politiques 18711968,
la rue fait la politique et donc l'histoire. De la commune de Paris à Mai 1968, en passant par le
6 février 1934, notre démocratie a connu son lot de crises politiques ayant vu le peuple descendre dans
la rue au point de menacer le régime en place. En fonction des bords politiques, ces évènements sont
entretenus dans la mémoire collective comme autant de manifestations de la souveraineté du peuple.
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