Fonction publique - Concours-Police-Officier-et-Commissaire 2025 - 5e - 19

A. LA RUE EST DEVENUE LE VISAGE D'UNE « FRANCE EN COLÈRE »
[Idée n° 1 : La rue se substitue aux institutions classiques de la représentation politique] Force est d'abord
de constater la progression de la désaffection citoyenne à l'égard des outils classiques de la participation
politique : l'abstention progresse, au point que certains sociologues ont pu parler d'une « démocratie
de l'abstention » (Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen), l'adhésion aux partis politiques ou aux
syndicats décline et, depuis 2002, trois des cinq élections présidentielles ont débouché sur la présence
d'une candidature protestataire au second tour. Ainsi, dans un contexte où le discours sur la crise de la
représentation domine, le recours aux actions protestataires et la mise en scène de la force du nombre
témoignent sans doute d'une requête d'extension de l'horizontalité autant que d'une perte de confiance
dans les chemins classiques de l'expression politique.
Qu'il s'agisse des « gilets jaunes », du mouvement « Nuit debout » ou des manifestations pour le climat,
qui sont le signe d'une prise de conscience de la jeunesse autour d'enjeux insuffisamment pris en compte
à ses yeux par les institutions politiques, force est ainsi de constater que nous assistons aujourd'hui au
développement d'une nouvelle modalité de participation politique à l'écart de ces corps intermédiaires que
sont les partis politiques et les organisations syndicales.
Ces mouvements portent tous, quoique sous des formes différentes, des projets de renouvellement de
la démocratie représentative classique portés par l'idée d'une implication plus active des citoyens dans
l'espace public : démocratie locale, participative ou directe, référendum d'initiative citoyenne... Dans un
article (« Nous le Peuple ») publié par Le Débat, l'historien Jacques Julliard faisait ainsi le constat que la
loi, autrefois perçue comme l'expression d'une inaltérable volonté générale, « avait désormais besoin d'une
double ratification : celle du Parlement, celle de la rue ».
[Idée n° 2 : Les émeutes, une révolte politique ?] La question de la place de la rue dans notre vie politique doit
conduire à envisager les surgissements de violence dans les banlieues urbaines, que ce soit lors des émeutes
de 2005 ou à la suite de la mort de Nahel à l'été 2023. Si certains commentateurs ont dénié toute dimension
politique à ces mouvements en raison de leur violence chaotique et de l'absence de revendication explicite,
une abondante littérature les qualifie de « protopolitiques », « infrapolitiques » ou « métapolitiques ». Sans
nier l'évidente dimension délinquante de ces émeutes, de nombreux intellectuels et responsables politiques
ont fait une analyse proprement politique des causes et réponses à apporter à l'évènement, à commencer
par le président de la République, qui pointait un « besoin d'autorité, de respect et d'espérance légitime » et
esquissait plusieurs priorités : place de l'école, soutien aux familles, intégration par l'économie et l'emploi,
régulation des écrans...
Analysant les émeutes de 2005, le sociologue Gérard Mauger (auteur de Les raisons de la colère. Sur l'émeute
de novembre 2005) a proposé de les qualifier de « révolte protopolitique », « parce qu'il s'agissait bien d'une
révolte - morale en l'occurrence, mais aussi " politique " dans la mesure où elle visait l'État, ses porte-paroles
(à commencer par Nicolas Sarkozy) et son bras armé (la police) - " protopolitique " dans la mesure où elle
s'exprimait dans un registre qui était celui des révoltes des siècles passés. »
Autrement dit, ces révoltes comportent une dimension politique qui, bien qu'elle ne soit pas revendiquée
comme telle par ses acteurs, ni structurée comme le sont ordinairement les mouvements politiques,
traduirait une réaction à des pratiques étatiques perçues comme illégitimes (relations jeunes/police,
autorité de l'État, situation des quartiers défavorisés). Ainsi, si l'expression violente exclut d'accorder à ces
émeutes un caractère pleinement politique, il n'en demeure pas moins qu'elle s'inscrit dans un contexte
susceptible de faire, lui, l'objet d'une analyse politique.
[Idée n° 3 : Le déclin des corps intermédiaires empêche la représentation de la société civile] Le modèle
politique français a ceci de singulier qu'il est caractérisé par une structure centraliste, qui nous distingue
nettement des fédéralismes de nos voisins allemands et belges autant que de notre partenaire américain.
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