Fonction publique - Concours-Police-Officier-et-Commissaire 2025 - 5e - 21

[Idée n° 2 : La diversification des modes d'exercice de la citoyenneté] Il est aujourd'hui convenu de considérer
que le face-à-face opposant le pouvoir politique à la rue doit trouver sa solution dans un approfondissement
du paradigme démocratique et une extension des modes d'exercice de la citoyenneté. Les temps
démocratiques requièrent en effet de donner une véritable voix à l'expression citoyenne en dehors du seul
recours à l'urne.
L'historien Pierre Rosanvallon parle ainsi du passage d'une « démocratie d'autorisation » (limitée à
l'autorisation des représentants par le vote) à une « démocratie d'exercice » (passant par le contrôle, la
surveillance et l'évaluation des gouvernants) ; le constitutionnaliste Dominique Rousseau d'une « démocratie
continue » (par laquelle des assemblées délibératives de citoyens exerceraient un contrôle sur l'action des
organes représentatifs traditionnels) ; le politiste Georges Burdeau évoque quant à lui la transition d'une
« démocratie gouvernée » à une « démocratie gouvernante ». Différents vocables pour une même idée :
régénérer l'expression démocratique pour retisser le lien perdu nécessaire à l'élaboration de consensus et
de compromis politiques.
Concrètement, les réformes proposées empruntent généralement deux voies distinctes et complémentaires :
renforcer la démocratie directe - par exemple en multipliant les référendums, soit en faisant de l'Assemblée
nationale un miroir plus fidèle des courants politiques comme de la diversité sociale du pays. Le thème de
la VIe
République, apparu dans le débat public dès les années 1970, s'est ainsi imposé ces dernières années
à la faveur de mouvements politiques participatifs (à l'image de Nuit debout en 2016) ouvertement inspirés
de l'idéal de l'agora grecque (qui est précisément le lieu où le pouvoir appartient à tous sans qu'aucun ne
puisse se l'approprier).
[Idée n° 3 : De l'importance des corps intermédiaires] La démocratie sociale a longtemps été le double
nécessaire de la démocratie politique en cela qu'elle lui apportait un surplus de légitimité en associant les
partenaires sociaux, représentatifs des forces issues du monde du travail, à la prise de décision collective.
Or, la panne de la démocratie sociale, dont le déclin de la grève est l'un des symptômes, doit nous inquiéter
dès lors que cette conflictualité doit trouver des modes de régulation et d'apaisement que notre système
représentatif, dont on ne cesse de diagnostiquer la crise, ne sait plus offrir aux citoyens.
Si la loi Larcher de 2007 stipule que : « tout projet de réforme envisagé par le gouvernement qui porte sur
les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du
champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les
organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel
en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation », force est de constater que cette pratique de la
« loi négociée » n'a pas la même vigueur en France que dans certains pays d'Europe du Nord.
Aujourd'hui, dans un contexte de désyndicalisation et de baisse de la participation aux élections
professionnelles (en 2021, le taux d'abstention dans le secteur privé était de 62 %, et en 2022 il était de
56 % dans les fonctions publiques), il importe plus que jamais de trouver des voies de rénovation de la
démocratie sociale afin de retisser le lien entre pouvoir politique et représentants de la société civile.
[Conclusion] Notre démocratie est née de la rue, ce qui explique la fascination que nous entretenons
pour ce mode d'expression populaire, qui dispose d'ailleurs d'une protection privilégiée en tant que
démembrement de la liberté d'expression. Pour autant, notre régime représentatif assure la primauté de la
voix des institutions électives, dont la légitimité légale-procédurale assure la prise de décision collective. Les
mouvements et débordements que nous avons connus ces dernières années témoignent cependant d'une
crise des modes d'expression politique classiques et sont le signe d'une perte de confiance des citoyens
dans leurs institutions. Il importe donc de diversifier les modes d'expression reconnus aux citoyens afin que
ceux-ci se sentent entendus et représentés, sans quoi l'option de la protestation voire de la violence, qui
mine le bon fonctionnement de la société, demeurera ouverte.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a récemment confié une mission au député Éric Woerth
au sujet de la réforme des institutions. Une éventuelle réforme à venir permettra-t-elle d'apaiser les tensions
entre les citoyens et leurs représentants ?
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