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d'instaurer un pouvoir capable de décider promptement, l'exécutif s'est progressivement affirmé comme le
pivot de nos systèmes représentatifs (A). Cependant, le constat de l'impuissance publique mine aujourd'hui
notre rapport à la politique (B).
A. L'AFFIRMATION DU POUVOIR EXÉCUTIF AU NOM D'UN IMPÉRATIF D'EFFICACITÉ
[Idée n° 1 : les révolutionnaires de 1789 se défiaient du pouvoir exécutif] Interroger l'institution d'un
gouvernement démocratique suppose en premier lieu de revenir aux origines du projet moderne d'une
fondation proprement humaine de la politique. Avec les révolutions modernes, en Angleterre, aux ÉtatsUnis
d'Amérique et en France, surgit un idéal démocratique proposant d'instaurer l'autogouvernement des
Hommes, enfin débarrassés des sources transcendantes d'autorité.
Jean-Jacques Rousseau est sans doute le philosophe qui apporta la contribution la plus décisive à l'idée
démocratique telle que les révolutionnaires de 1789 se la formulèrent. Dans son Contrat social, le philosophe
genevois redéfinit le meilleur régime : ce n'est plus celui où le pouvoir revient à ceux qu'un quelconque
ordre du monde ferait apparaître comme naturellement habilités à l'exercer, mais celui dans lequel le
pouvoir procède d'un accord entre les différents sujets s'entendant sur les principes de leur association. Il
fonde ainsi le principe de la souveraineté du peuple, qui se retrouva inscrit à l'article 6 de la Déclaration des
droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 : « la loi est l'expression de la volonté générale ».
Cet idéal se traduisit notamment par le sacre de la loi comme norme abstraite, générale et impersonnelle
résultant de l'expression de la volonté du peuple, au détriment d'un pouvoir exécutif suspecté de reconduire
l'arbitraire monarchique du pouvoir d'un seul. L'idée même de gouvernement en son sens moderne, qui
suppose qu'un organe règle par une multitude de décisions quotidiennes les problèmes particuliers que
pose l'administration de la cité, fut repoussée au nom d'une conception libérale voulant qu'un petit nombre
de lois très générales et stables suffise à organiser la société. Autrement dit, les révolutionnaires de 1789
se défiaient de l'idée même de gouvernement, préférant consacrer la prééminence du pouvoir législatif en
confiant la décision politique au peuple.
[Idée n° 2 : l'affirmation du pouvoir exécutif] Dans Le Bon gouvernement (2015), l'historien Pierre
Rosanvallon décrit la longue montée en puissance de l'exécutif au sein de nos sociétés démocratiques, dont
la première étape fut, en France, l'élection du président de la République au suffrage universel en 1848,
qui vit l'accession de Napoléon III au pouvoir. Cette évolution fut bien souvent le résultat des crises, et
notamment des guerres, qui imposèrent leur froide logique d'efficacité contre un Parlement jugé bavard :
durant la Première Guerre mondiale, le gouvernement dirigeait la société par décrets tandis que l'État
reprenait en main l'économie.
Le véritable tournant présidentiel de la politique française fut amorcé avec le retour du général de Gaulle
au pouvoir en 1958 et l'adoption, par référendum, de la Constitution de la Ve
République, le 4 octobre de
la même année. Celle-ci instaurait en effet un régime présidentiel fort dans lequel le chef de l'État devenait
la clé de voûte du pouvoir exécutif, conformément aux souhaits exprimés par l'auteur de l'appel du 18
juin 1940 lors de son célèbre discours de Bayeux de 1946. C'est cependant l'élection du président de la
République au suffrage universel en 1962 qui acheva de signer la présidentialisation de notre démocratie,
ce qui fut vertement critiqué, y compris par des voix modérées comme celle de Raymond Aron, qui parlera
de « constitution despotique ».
Dans Le Bon gouvernement, Pierre Rosanvallon poursuit l'analyse de l'affirmation du pouvoir exécutif :
si gouverner suppose naturellement de faire des choix, la présidentialisation apporte une réponse à une
demande sociale d'imputation, de volonté et de lisibilité. En effet, face à la complexification des mécanismes
de décision et au développement d'importants appareils administratifs, la visibilité du gouvernement
permet au citoyen d'identifier le foyer de la décision politique, au besoin dans le but de lui demander des
comptes pour ses choix.
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