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Dans un contexte démocratique, la question du choix politique se heurte ainsi à une insoluble contradiction.
En effet, la décision est, par principe, le produit d'un ensemble institutionnel régi par des normes juridiques
exprimant la volonté du peuple (la Constitution du 4 octobre 1958 fut adoptée par référendum à 80,63 %).
Dans ce cadre institutionnel, les acteurs chargés de prendre les décisions au nom de la collectivité sont
sélectionnés au terme d'élections libres permettant de recueillir l'assentiment du peuple, source de toute
souveraineté, à telle ou telle orientation politique. Dès lors que le choix politique résulte de ces processus
juridico-politiques, il est réputé légitime car conforme à l'expression de la souveraineté nationale. Or, la
légitimité procédurale ou légale est aujourd'hui de plus en plus contestée.
[Idée n° 2 : les outils offerts à l'exécutif pour garantir l'application de ses décisions sont critiqués] La Constitution
du 4 octobre 1958 offre au gouvernement nombre d'outils garantissant son pouvoir de décision face à
l'Assemblée nationale. La récente réforme des retraites portée par le gouvernement d'Elisabeth Borne
a donné l'occasion à celui-ci d'en démontrer la variété et l'efficacité : utilisation d'un véhicule législatif
normalement dédié au budget (projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale) ; recours,
pour la première fois de la Ve
République, à l'article 47.1 de la Constitution, qui permet d'imposer un délai
de cinquante jours pour adopter le texte, sans quoi celui-ci peut être mis en œuvre par voie d'ordonnance ;
recours au fameux article 49 alinéa 3 de la Constitution permettant au gouvernement d'engager sa
responsabilité sur le texte afin de forcer le Parlement à rentrer dans le rang...
Ces dispositions constitutionnelles procèdent de ce que l'on appelle le « parlementarisme rationalisé »,
selon le concept dégagé par Boris Mirkine-Guetzévitch en 1928 à partir de son étude des Constitutions
adoptées dans les nouveaux pays européens issus du Traité de Versailles. L'expression renvoie aux règles et
dispositifs pensés dans le but de mettre fin à la période d'instabilité politique qu'a connue notre pays durant
les IIIe
et IVe Républiques du fait de la prééminence du Parlement sur le gouvernement. Le parlementarisme
rationalisé vise ainsi à assurer la prééminence du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, afin de garantir
la stabilité de l'action gouvernementale.
Si ces outils sont auréolés d'une légitimité légale, ils n'en ont pas moins fait l'objet d'un procès en
illégitimité démocratique pour le moins nourri. L'article 49 alinéa 3 de la Constitution a certes été utilisé
une centaine de fois sous la Ve
République, mais force est bien de constater que les temps politiques ont
changé. Le gouvernement est ainsi accusé de s'être laissé aller à un « coup de force » contre le Parlement,
les syndicats, le peuple et la rue. Comme un certain nombre de commentateurs n'ont pas manqué de le
soulever, la question de la légitimité-légalité (est légitime ce qui est conforme aux prescriptions de la loi)
n'épuise pas celle de la légitimité-politique (ce qui est perçu comme conforme à l'esprit démocratique des
lois ou aux normes de justice). Or, comme le relevait Pierre Rosanvallon dans une récente interview au
journal Le Monde, « la légalité procédurale elle-même est fondée sur une donnée arithmétique qui, dans des
sociétés aussi divisées que les nôtres, est de plus en plus fragile. » Cette fragilité de la légitimité procédurale
explique la crise politique que traverse notre pays : les citoyens ne se satisfont plus d'un gouvernement
capable prendre des décisions en dehors de tout contrôle parlementaire et sans écouter leurs protestations
en dehors des élections.
[Idée n° 3 : le « mal gouvernement »] Selon Pierre Rosanvallon, les démocraties contemporaines seraient
ainsi en proie au « mal gouvernement », ce qui signifie que « nos régimes peuvent être dits démocratiques,
mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement » (Le Bon gouvernement). En effet, si le pouvoir
est issu des urnes et la protection des libertés individuelles est assurée, les citoyens témoignent de leur
sentiment de déréliction démocratique, qui prend ses sources dans le fait de « ne pas être écoutés, voir des
décisions prises sans consultation, des ministres ne pas assumer leurs responsabilités, des dirigeants mentir
impunément, un monde politique vivre en vase clos et ne pas rendre assez de comptes, un fonctionnement
administratif rester opaque. »
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