Hors collection - En route pour ma 1ère année de droit - 8e - 64

certaines circonstances particulières, l'application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans
les droits garantis par cette convention et qu'il appartient par conséquent au juge, lorsque le requérant fait état de telles circonstances
particulières, d'apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l'atteinte aux droits et
libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n'est
pas excessive.
6. Plusieurs considérations d'intérêt général ont conduit le législateur à interdire la divulgation de toute information sur les données
personnelles d'un donneur de gamètes puis à écarter toute modification de cette règle de l'anonymat, notamment la sauvegarde de
l'équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d'une baisse substantielle
des dons de gamètes, ainsi que celui d'une remise en cause de l'éthique qui s'attache à toute démarche de don d'éléments
ou de produits du corps. Au regard de cette dernière finalité, qui traduit la conception française du respect du corps humain, aucune
circonstance particulière propre à la situation d'un demandeur ne saurait conduire à regarder la mise en œuvre des dispositions législatives
relatives à l'anonymat du don de gamètes, qui ne pouvait conduire qu'au rejet des demandes en litige, comme portant une
atteinte excessive aux droits et libertés protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. Il en résulte que le moyen tiré de ce que les refus litigieux portaient, dans les circonstances particulières de l'espèce,
une atteinte excessive aux droits de M. A... protégés par les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales était inopérant et que, en s'abstenant d'y répondre, le tribunal administratif, qui n'a pas
méconnu son office, n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté (...)
Commentaire de l'arrêt CE, 28 décembre 2017, M. B. A.
Le souci de la loi de donner à l'enfant à naître un environnement perçu comme le plus stabilisant possible a conduit aussi le législateur
à consacrer la règle de l'anonymat du don de gamètes ou d'embryon au lieu de celui du droit de l'enfant à connaître ses origines
biologiques comme l'a fait, par exemple, la Suède ou comme envisage de le faire le Royaume-Uni. » Les Lois de la bioéthique : cinq
ans après : étude adoptée par l'Assemblée générale du Conseil d'État le 25 novembre 1999.
L'arrêt que nous allons commenter a été rendu par le Conseil d'État en date du 28 décembre 2017 suite à sa saisine par M. B. A. après
le rejet par le Tribunal administratif de Paris de ses demandes tendant à la communication des documents relatifs à l'identification de
la personne auteur d'un don de gamète ayant permis sa conception. Le Conseil d'État, saisi d'un pourvoi le 29 janvier 2016, dû faire
face à 2 problèmes de droit : un problème d'application de la loi dans le temps et un problème relatif à l'anonymat dans le domaine
du don de gamètes. Dans un premier temps, le Conseil d'État rejeta le moyen selon lequel les articles 16-8 du Code civil et 1211-5
du Code de la santé publique ne sont pas applicables en l'espèce puisqu'issus des lois bioéthiques de 1994 et que sa naissance est
antérieure à 1994. Dans un deuxième temps, la haute juridiction administrative rejeta le second moyen de M. B. A. selon lequel les
règles d'accès aux données personnelles d'un donneur de gamètes méconnaîtraient les articles 8 et 14 de la Convention européenne
des droits de l'homme. Le Conseil d'État rejeta toutes les demandes de M. B. A.
L'étude de cet arrêt nous conduit à nous pencher sur les conditions permettant la levée de l'anonymat dans le cadre du don d'éléments
ou de produits du corps humain et plus précisément dans le cadre d'une procréation médicale assistée. C'est ce que nous verrons
tout d'abord dans l'étude des principes attachés à la procréation médicale assistée (I) puis dans l'examen de ces exceptions (II).
I. Les principes de la procréation médicale assistée
La procréation médicale assistée nécessite dans certains cas de faire appel au don. Il s'agit plus précisément du don de matériel génétique
et dans notre espèce du don de gamètes. Le droit encadre cette pratique médicale notamment en établissant les conditions au
recours à la procréation médicale assisté (A) et en imposant le respect de l'anonymat (B).
A. Les conditions de la procréation médicale assistée
L'assistance médicale à la procréation est définie par le droit français comme un ensemble de « pratiques cliniques et biologiques
permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle, ainsi que toute technique d'effet équivalent
permettant la procréation en dehors du processus naturel » Article L2141- 1 du Code de la Santé publique.
Selon l'article L2141-2, l'assistance médicale à la procréation a un seul but : remédier à l'infertilité médicalement diagnostiquée ou
éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité.
Le don est gratuit, ce qui signifie qu'il ne peut être rémunéré et qu'il sera pratiqué qu'au sein d'un organisme ou d'un établissement
de santé à but non lucratif.
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