Guides pro de l’entreprise - La délégation de pouvoirs - 1re - 27

UN DEVOIR ET UNE RESPONSABILITÉ PÉNALE DÉLÉGABLES
16. Parmi les très rares décisions rendues par
la chambre criminelle et susceptibles de cerner les
contours juridiques de la délégation de pouvoirs on
rencontre cette décision rendue le 21 décembre 19826
dans une espèce où le demandeur au pourvoi prétendait
se référer aux règles relatives au mandat civil pour faire
la preuve d'une délégation de pouvoirs.
La cour rejette le pourvoi pour ce motif que :
« ... La preuve de l'existence d'une délégation
de pouvoirs en matière de sécurité, qui ne
saurait être juridiquement assimilée à une
convention autonome mais doit être interprétée
comme une modalité de l'exécution du
contrat de travail liant le chef d'entreprise
à l'un ou l'autre de ses préposés, n'est pas soumise
aux règles du droit civil, les juges du fond
appréciant dès lors les éléments de preuves versés
aux débats et soumis à la libre discussion
des parties... ».
Modalité du contrat de travail, la délégation dans cette
logique est suspendue lorsque le contrat de travail est
lui-même suspendu. Voir en ce sens une décision de la
Cour de cassation7
:
« Il ne peut être ignoré que le 28 janvier 2008,
jour de la non remise des documents litigieux,
M.X était en arrêt maladie (...) que cet arrêt de
travail pour maladie a entraîné la suspension de
son contrat de travail et donc de la délégation
qui en est un des éléments (...) ».
Ce faisant, la cour écarte clairement la référence au mandat
et donc à la représentation d'une personne par une
autre et au-delà l'idée d'une « convention autonome ».
6. Cass. crim., 21 déc. 1982, n° 82-91362.
7. Cass. crim., 19 juin 2012 n° 11-81654, inédit.
La délégation de pouvoirs ne serait pas un mandat, ni
même un contrat auxquels elle n'emprunterait donc pas
le régime ; ce qui n'exclut pas, ainsi que nous le verrons,
qu'elle se rattache au contrat ou même qu'elle puisse
être donnée dans le cadre d'un contrat de travail.
Cette solution doit être approuvée : en effet, le propre
du mandat est de conduire à ce que les actes passés
par le mandataire produisent leurs effets juridiques dans
la personne du mandant.
Si la délégation de pouvoirs devait s'analyser en un
mandat, il est bien clair que les actes du délégataire
entendus ici comme le fait de ne pas respecter la réglementation
en vigueur produiraient leurs effets dans la
personne du chef d'entreprise qui à ce titre demeurerait
et ce, nonobstant la délégation de pouvoirs, personnellement
responsable des infractions qui en découleraient.
Or, telle n'est assurément pas la conséquence à laquelle
conduit la délégation de pouvoirs « fonctionnelle » ou
« technique ». La jurisprudence admet, tout au contraire
(et c'est là l'intérêt même de l'institution...) qu'elle
implique que le délégataire engage sa responsabilité
personnelle et qu'elle décharge le chef d'entreprise de
toute responsabilité.
17. La délégation de pouvoirs « fonctionnelle » ou
« technique » n'emporte donc pas représentation du délégant
tel le pouvoir de passer des actes au nom et pour son
compte, non plus que pour le compte de la société, mais
une véritable substitution du délégataire au délégant dans
les devoirs et dans les responsabilités qui en découlent.
Divers « pouvoirs » rencontrés fréquemment dans la pratique
tel que le pouvoir donné à un cadre de passer des
marchés pour le compte de la société, de retirer des plis
recommandés etc., s'analysent clairement en des mandats
de représentation (encore s'agit-il de représenter
la personne morale et non le chef d'entreprise personne
physique) et non en une délégation de pouvoirs au sens
strict de veiller aux « lieu et place » du chef d'entreprise
à l'observation de la réglementation.
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