Guides pro de l’entreprise - La délégation de pouvoirs - 1re - 29

UN DEVOIR ET UNE RESPONSABILITÉ PÉNALE DÉLÉGABLES
de la sécurité ; qu'il est précisé que Monsieur K
est ingénieur de formation et que son expérience
professionnelle est expressément visée
pour justifier sa délégation... qu'est établie
en conséquence une délégation d'une partie
des attributions du chef d'entreprise à un préposé
investi tant de l'autorité que des moyens
financiers nécessaires à veiller au respect de la
sécurité... » ?
La Cour de cassation saisie d'un pourvoi du procureur
général près la cour d'appel approuve la cour d'appel
et relève notamment que :
« ... Rien n'interdit au chef d'un groupe de
sociétés qui est, en outre, le chef de l'entreprise
exécutant les travaux, de déléguer ses
pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité
au dirigeant d'une autre société du groupe, sur
lequel il exerce son autorité hiérarchique ;
qu'enfin, les juges ont souverainement apprécié
que l'ingénieur délégué avait les compétences,
l'autorité et les moyens nécessaires pour exercer
effectivement les pouvoirs qui lui avaient été
délégués. »
Cet arrêt n'est pas à l'abri des critiques et notre opinion
rejoint à cet égard celle du procureur général ; ce dernier
faisait notamment valoir au soutien de son pourvoi
qu'une mission générale de sécurité donnée pour l'ensemble
des sociétés d'un groupe (17 sociétés !) :
« ne pouvait valoir délégation de pouvoirs des
dirigeants de chacune de ces sociétés et les
exonérer de toute responsabilité, ces dirigeants
demeurant tenus de veiller personnellement à
l'observation des règles protectrices relatives à
la sécurité des ouvriers... ».
En effet, s'il apparaît que l'ingénieur de sécurité,
Monsieur K. était le préposé de la société T. avec
laquelle il était lié par un contrat (contrat de travail,
semble-t-il), le rapport de subordination qui en découlait
ne lui donnait pas nécessairement l'autorité nécessaire
sur les salariés de l'ensemble des autres sociétés
du groupe pour cette simple raison que le chef de la
société T. n'avait pas lui-même autorité sur l'ensemble
de ces salariés, fût-il même le président de la société
tête de groupe.
À cet égard, si la note de service diffusée dans l'ensemble
des sociétés du groupe avertissait l'ensemble
des salariés de ce groupe de l'investiture de Monsieur
K., on peut douter que cette seule circonstance fût
de nature à conférer à ce délégataire un rapport d'autorité
suffisant à leur égard.
Il convient d'ajouter à cela que « Monsieur K. » était
lui-même président de l'une des filiales du groupe. À
ce titre, il était présumé disposer, tout au moins au sein
de cette filiale, d'une plénitude de pouvoirs et d'une
capacité de décision, difficilement compatible avec le
rapport de préposition qui le liait à la société tête de
groupe et au-delà, à une attribution d'une délégation
de pouvoirs.
Enfin, on observe que la délégation au cas présent était
passée entre la personne morale (tête de groupe) et non
son dirigeant, personne physique.
On retiendra la conception extensive de la délégation
affirmée par cet arrêt qui consacre pour la première fois
la notion de délégation de pouvoirs donnée par contrat
- contrat de travail en l'occurrence - et non plus de
simple « modalité de l'exécution du contrat de travail »
consacrée antérieurement et notamment par la jurisprudence
précitée9
.
9. Cass. crim., 21 déc. 1982, précité.
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