Revue - Bulletin Joly Sociétés n° 5-2015 - Article n° 113m8 - 4
Doctrine
16. Il est vrai que l'on peut se demander si l'existence
d'une clause de confidentialité dispense le bénéficiaire du pacte de toute réponse sur l'existence de la
préférence ou lui interdit seulement d'en révéler le
contenu : si cette seconde lecture était retenue, le tiers
ne pourrait-il pas mettre en cause la responsabilité du
bénéficiaire du pacte qui aurait gardé le silence, alors
qu'il aurait dû l'informer de l'existence du pacte ?
Mais pour que cette seconde lecture soit retenue,
il faudrait peut-être que la clause de confidentialité
limite expressément la confidentialité au seul contenu
du pacte et non à son existence.
C. Le porte-fort
17. Le recours au porte-fort est assez fréquent dans
les opérations de cessions de droits sociaux. On peut
donner quelques exemples : le cédant de la majorité
des titres se porte fort de la volonté des minoritaires
de céder également ; dans le cadre d'une clause de tag
along, les débiteurs de l'obligation s'engagent à faire
en sorte que le cessionnaire de leurs propres titres
acquiert ceux des bénéficiaires 6 ; le cédant se porte fort
de ce que le cessionnaire des droits sociaux adhérera
au pacte extrastatutaire dans le cas où il est signataire
d'un pacte 7 ; le porte-fort peut servir de cadre à une
convention accessoire à la cession telle une garantie de
passif 8 ; il peut également être utilisé par le cessionnaire pour consentir un contrat de travail au cédant
ou aménager les suites de la cession des fonctions d'un
dirigeant 9.
18. Le nouvel article 1120 conforte la jurisprudence
selon laquelle, si le tiers ratifie le contrat, le portefort est dégagé de sa promesse et il ne peut lui être
demandé d'exécuter l'engagement promis 10. En
revanche, le texte nouveau ne reprend que partiellement les solutions jurisprudentielles sur la rétroactivité. Le principe de l'effet rétroactif de la ratification
du tiers est classique : il se retrouve dans l'indication
que le tiers ayant ratifié la promesse « peut se prévaloir
de l'engagement depuis la date à laquelle il a été souscrit par le promettant ». Quand l'acte accompli par le
porte-fort est un contrat de vente, c'est en vertu de ce
principe de rétroactivité de la ratification qu'on exclut
l'application de l'article 1599 du Code civil déclarant
nulle la vente de la chose d'autrui : au vendeur originaire, non habilité à représenter le propriétaire, est
substitué ab initio l'auteur de la ratification, propriétaire du bien aliéné.
6 E. Schlumberger préc., p. 131, n° 455.
7 E. Schlumberger, thèse préc., p. 573,n° 676.
8 J.-M. Mousseron, M. Guibal, D. Mainguy, L'avant-contrat,
éd. F. Lefèbvre 2001, p. 260.
9 J.-M. Mousseron, M. Guibal, D. Mainguy préc., loc. cit.
10 Cass. com., 13 déc. 2005, n° 03-19217 : Bull. civ., IV, n° 256.
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Mais la Cour de cassation considérait que la rétroactivité agissait aussi sur l'engagement du tiers, tenu
rétroactivement du contrat à compter de la conclusion
de celui-ci 11. Or, le texte de l'ordonnance semble indiquer que l'engagement du tiers qui ratifie la promesse
faite pour lui ne part qu'à compter de sa ratification 12.
19. Par ailleurs, le texte proposé ne reprend pas clairement la distinction entre porte-fort de ratification,
qui consiste à promettre la ratification par un tiers
d'un contrat conclu sans pouvoir par le promettant et
porte-fort d'exécution par lequel le porte-fort garantit au bénéficiaire que le tiers exécutera les obligations
souscrites. Donc le législateur n'intervient pas dans
la controverse en voie d'épuisement entre la première chambre civile qui considère que la promesse
de porte-fort est toujours un engagement personnel
autonome 13 et la chambre commerciale pour laquelle
seul celui qui se porte fort pour un tiers en promettant
la ratification par ce dernier d'un engagement est tenu
d'une obligation autonome.
II. La conclusion du contrat
20. On envisagera successivement le processus de
conclusion du contrat (A) puis ses conditions de validité (B).
A. Le processus de conclusion du contrat
21. S'agissant de l'offre, qui constitue la première étape
du processus, elle doit comprendre les éléments essentiels du contrat envisagé et peut être faite à personne
déterminée ou indéterminée (nouvel article 1114). À
défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation. L'article 1116 précise que cette offre ne peut
être révoquée avant l'expiration du délai expressément
prévu, ou, à défaut, avant l'expiration d'un délai raisonnable. La révocation de l'offre en violation de la
règle précédente n'engage que la responsabilité extracontractuelle de son auteur, sans l'obliger à compenser la perte des bénéfices attendus du contrat. On ne
constate pas de différence notable avec le droit actuel.
On observera toutefois une différence entre le régime
de l'offre et celui de la promesse unilatérale. Dans le
premier cas, la révocation précoce n'appelle qu'une
11 V. par exemple Cass. 1re civ., 8 juill. 1964 : Bull. civ., I, n° 382, dans le
cas d'une vente d'immeuble conclue avec une clause de porte-fort en
1954, ratifiée par le propriétaire en 1958 : selon l'arrêt, elle ne pouvait
plus faire l'objet d'une action en rescision, le délit de deux ans devant
être compté depuis le jour de la vente : la ratification de l'acte passé par
un porte-fort a un caractère rétroactif et remonte au jour où l'acte a été
ratifié, l'obligation du tiers prenant naissance au jour de l'engagement
du porte-fort. Idem Cass. 3e civ., 20 déc. 1971 : Bull. civ., III, n° 653.
12 Comp. l'avant-projet Catala et le projet de réforme du droit des
contrats publié en 2008 par la Chancellerie : « Si le tiers accomplit
le fait promis ou ratifie l'engagement, le porte-fort est libéré de toute
obligation. L'engagement du tiers est rétroactivement validé à la date à
laquelle il a été souscrit par celui qui s'est porté fort ».
13 Cass. 1re civ., 25 janv. 2005, n° 01-15926 : Bull. civ., I, n° 43.
Bulletin
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Mai
2015
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