Revue - Bulletin Joly Sociétés n° 5-2015 - Article n° 113m8 - 6

Doctrine

1. L'existence d'un devoir général
d'information
27. L'article 1129 consacre un devoir général d'information à la charge du vendeur : « celui des contractants
qui connaît ou devrait connaître une information
dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait
confiance à son cocontractant  ». Dans sa rédaction
actuelle, ce texte contient des formules ambiguës  :
« devrait connaître une information », « fait confiance
à son cocontractant  »... La jurisprudence jusqu'ici
exigeait une certaine transparence, chaque négociateur étant tenu d'informer son partenaire de manière
à ce que chacun intègre les contraintes ou exigences
de l'autre 26. Les négociateurs devaient donner des
informations exactes 27. La conduite des négociations
devait être présidée par la loyauté.
28. Plus précisément, l'existence d'une obligation
d'information repose sur trois exigences que la doctrine avait dégagées 28 et dont on trouve la traduction
dans le texte nouveau :
- le vendeur doit connaître ou être censé connaître les
informations dont il est débiteur  : on retrouve cela
dans la formule « qui connaît ou devrait connaître » ;
- le vendeur connaît ou doit connaître l'importance
de ces informations pour l'acheteur  : «  une information dont l'importance est déterminante pour le
consentement de l'autre » ;
- l'acheteur ignore légitimement les informations  :
«  dès lors que légitimement, ce dernier ignore cette
information  ». Le texte ajoute le cas de figure dans
lequel l'acheteur « fait confiance à son cocontractant ».
Sur la connaissance légitime, on ne peut que renvoyer ici à la jurisprudence antérieure qui précise les
contours de l'ignorance légitime : acheteurs profanes,
acheteurs professionnels, etc. En outre, l'acheteur
est en principe tenu de l'obligation de se renseigner.
Toutefois, sur ce point, l'article 1138 reprend la jurisprudence qui décidait que l'erreur qui résulte d'un
dol est toujours excusable 29. Comme l'a relevé dans
sa thèse notre collègue Marie Caffin-Moi, « Dire que
la réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur
provoquée, c'est nier l'existence de l'obligation de se
renseigner » 30.

26 Mémento Lefebvre Cession de parts et actions 2015-2016, n° 10.240.
27 Mémento Lefebvre Cession de parts et actions 2015-2016, n° 10.245.
28 D. Leclercq, Les conventions de cession d'actions, éd. Larcier, 2009, n° 37
et s.
29 Cass. com., 29 oct. 2003, n° 02-11592 : Dr. sociétés mars 2004, n° 36,
note F.-G. Trébulle ; RJDA juill. 2004, n° 828 ; BJS janv. 2004, p. 113,
n° 19, note T. Massart ; JCP E 2004, comm. 601, obs. J.-J. Caussain,
F. Deboissy et G. Wicker.
30 M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats, Thèse Paris
II, 2007, p. 81.

252

29. L'article 1129 ajoute que «  le manquement au
devoir d'information engage la responsabilité extracontractuelle de celui qui en était tenu. Lorsque ce
manquement provoque un vice du consentement, le
contrat peut être annulé ». On peut s'interroger sur la
valeur réelle de cette disposition. Le rappel de la responsabilité extra-contractuelle semble a priori inutile
car découlant du droit commun. En réalité, on peut se
demander si les rédacteurs de l'ordonnance n'ont pas
souhaité évacuer une querelle doctrinale qui est souvent plus vive à l'étranger que chez nous et qui repose
sur l'existence discutée d'une culpa in contrahendo 31.
Le débat n'est pas dépourvu d'intérêts pratiques.
En considérant que la responsabilité repose sur les
articles 1382 et 1383 du Code civil et non sur l'article
1134, alinéa 3, on aboutit à deux conséquences 32 :
- le comportement durant la période des négociations
doit s'apprécier in abstracto au regard du comportement de l'homme normalement président et diligent
placé dans les mêmes circonstances ;
- la faute la plus légère suffit pour engager la responsabilité de son auteur.
30. Quant à l'affirmation que le contrat peut être
annulé si le manquement a provoqué un vice du
consentement, son utilité ne s'impose pas. On peut
se demander au demeurant s'il n'y a pas une certaine
redondance entre les textes. S'agissant plus particulièrement du dol, le texte nouveau prend expressément
en compte la réticence dolosive  ; entre le manquement au devoir d'information et la réticence dolosive,
l'espace est mince.
2. Les vices du consentement
31. Cette question des vices du consentement fait
l'objet de nouvelles rédactions de textes susceptibles
d'ouvrir des perspectives pour la pratique  : des éléments sont apportés sur le dol, l'erreur et la violence 33.
Le nouvel article 1130 dispose que « l'erreur, le dol et
la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de
telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas
contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ». Cette disposition n'appelle
guère de développements sinon pour indiquer qu'aura
toute probabilité d'être maintenue la solution énoncée
par la chambre commerciale de la Cour de cassation
selon laquelle le préjudice réparable d'un contractant,
qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du
contrat, correspond, non à la perte d'une chance de
ne pas contracter, mais uniquement à la perte d'une

31 V. D. Leclercq préc., n° 37 et s.
32 D. Leclercq préc., p. 56 et s.
33 Sur les difficultés dans le droit actuel pour faire jouer la théorie des vices
du consentement, v. M. Caffin-Moi, thèse préc., p. 23 et s.

Bulletin

Joly

Sociétés

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Mai

2015



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