Revue - Bulletin Joly Sociétés n° 5-2015 - Article n° 113m8 - 8

Doctrine

dans lequel se trouve l'autre partie pour obtenir un
engagement que celle-ci n'aurait pas souscrit si elle ne
s'était pas trouvée dans cette situation de faiblesse ».
À vrai dire, l'ordonnance ne fait ici que reprendre
des formules jurisprudentielles qui sanctionnaient
l'exploitation abusive d'un état de nécessité ou d'une
dépendance économique 41. Or, sous l'empire de cette
jurisprudence, on ne trouve pas d'exemple publié qui
concerne une cession de droits sociaux. On peut penser que la formulation contenue dans le texte ne modifiera pas substantiellement la situation antérieure issue
d'une opération de cession de droits sociaux.
37. Le régime de prescription de l'action en nullité
ne présente pas d'originalité marquante par rapport
au droit antérieur. Comme par le passé, le point de
départ de l'action est le jour où la violence a cessé ; en
cas d'erreur, le jour où elle a été découverte. Le délai
pour agir était jusqu'à ce jour de cinq ans. Dans la
rédaction actuelle du nouvel article 1143, il est indiqué que l'action en nullité ne peut être exercée audelà de 20  ans à compter du jour de la conclusion
du contrat. Ce texte signifie que, à supposer l'apparition de phénomènes interruptifs de prescription par
exemple, on ne pourra en aucun cas plaider au-delà de
ce délai de 20 ans. En fait, il apparaît comme s'articulant avec l'article 2232 du Code civil selon lequel « le
report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de
porter le délai de la prescription extinctive au-delà de
vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ».

III. L'exécution du contrat
38. C'est sans doute dans la phase d'exécution du
contrat que l'inspiration contradictoire dont procède
l'ordonnance est la plus prégnante. En effet, le texte
entend, d'un côté, faire respecter la parole donnée et
cherche, d'un autre côté, à permettre au juge d'intervenir dans le contrat dans une perspective de justice
commutative.
Les parties à un contrat de cession de droits sociaux ou
d'actions verront vraisemblablement quelque intérêt
aux règles nouvelles concernant la mise en demeure
(A) et plus encore à celles qui doivent permettre de
sanctionner plus efficacement que ce n'était le cas
jusqu'à présent l'inexécution des obligations contractuelles (B).
Elles verront sans doute avec moins d'enthousiasme
se multiplier les hypothèses d'intrusion du juge dans
le contrat sous couvert de police contractuelle (C) et
s'interrogeront sur l'incidence des règles nouvelles en
matière de restitutions (D).
41 Cass. 1re civ., 3 avr. 2002, n° 00-12932, Bull. civ. I n° 108 : RJDA
8-9/02 n° 851 - Cass. com., 16 oct. 2007, n° 05-19 069, F-D : RJDA
3/08 n° 343.

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A. La mise en demeure
39. Le projet d'ordonnance attache une importance
particulière à la mise en demeure. Et ce, à un double
titre  : d'abord parce que la mise en demeure conditionne la mise en œuvre des mécanismes permettant
de sanctionner l'inexécution du contrat (v. infra,
n° 43), ensuite parce que le mécanisme est bilatéralisé.
40. En effet, l'ordonnance envisage que la mise en
demeure puisse être le fait du créancier (C. civ., art.
1322 et 1322-1), mais aussi qu'elle puisse être à l'initiative du débiteur. En particulier, l'article 1323 prévoit que « lorsque le créancier [ici, le vendeur créancier
du prix] refuse, à l'échéance et sans motif légitime,
de recevoir le paiement qui lui est dû ou l'empêche
par son fait, le débiteur peut le mettre en demeure
d'en accepter ou d'en permettre l'exécution  ». Cette
disposition pourrait s'avérer intéressante pour le cessionnaire qui était assez démuni, lorsqu'il se heurtait à
un refus ou à une résistance passive du vendeur, prélude à une inexécution de sa part. De fait, jusqu'alors,
notre arsenal législatif n'envisageait guère la mise en
demeure que comme un instrument entre les mains
du créancier, vendeur, pour contraindre l'acheteur à
s'exécuter ou pour constater son inexécution (C. civ.,
art.  1652). Dans la mesure où le droit spécial de la
vente ne prévoit aucune disposition spécifique au
bénéfice de l'acheteur, considéré comme débiteur du
prix, on peut penser que l'article 1323 aurait vocation à jouer dans le contexte d'une cession de droits
sociaux.
Notons qu'il est précisé que cette mise en demeure
du créancier «  n'interrompt pas la prescription  »
(Projet, art. 1323, al. 3) ; elle arrête seulement, mais
cela peut se révéler non dérisoire, le cours des intérêts.
Que la mise en demeure n'interrompe pas la prescription ne doit pas étonner car tel est le choix fait par
la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme
de la prescription en matière civile. Mais on peut se
demander si le principe ainsi rappelé à l'article 1323
est d'ordre public dans la mesure où l'article 2254 du
Code civil, issu de la réforme de 2008, autorise les
parties à une convention à ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues
par la loi et, par exemple, à ériger en cause d'interruption la simple mise en demeure.
41. Pour le reste, la réforme ne devrait pas, s'agissant
de ce mécanisme de mise en demeure, entraîner des
changements majeurs, ne serait-ce que parce qu'il
existe en la matière des textes spécifiques à la vente (en
particulier, l'article 1652 précité) qui vont donc évincer les règles de droit commun portées par le projet
d'ordonnance. Par exemple, devrait être maintenue la
règle selon laquelle, en cas de retard du cessionnaire
à payer tout ou partie du prix convenu, le cédant a

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2015



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