Entretien - Le cercle vertueux de la médiation - 2

ENTRETIEN

Bulletin Joly Bourse : Comment souhaitez-vous faire évoluer la médiation ; quelles sont vos priorités ? Marielle Cohen-Branche : Peu de temps après mon entrée en fonctions, j’ai défini trois orientations prioritaires qui ont été actées et soutenues par le Collège de l’AMF. Ma première priorité consiste à éviter le risque de déshérence ou de réduire ce que j’ai appelé le « taux de désespérance », qui porte atteinte à l’image même du processus de médiation. Il n’est pas admissible qu’un client ne trouve pas, après plusieurs mois, le médiateur compétent. Il s’agit donc de veiller à ce que, dans toute la mesure du possible, en moins d’un mois, le médiateur compétent soit désigné au client. Dès mon arrivée, j’ai donc pris des contacts avec le médiateur de Bercy et l’ACP (qui n’a pas de médiateur) pour réduire ce risque, notamment en cas de litige relatif à l’assurance-vie. La difficulté vient du fait qu’en matière d’assurance par exemple, tous les courtiers (qui ne sont pas nécessairement des établissements de crédit) n’ont pas encore un médiateur. Il appartient dès lors à l’ACP d’identifier le bon médiateur. Un raccourcissement des délais devrait s’en suivre. Par ailleurs, j’ai souhaité que la médiation de l’AMF se recentre sur son cœur de métier. La médiation a en effet été au-delà de sa mission en assumant une mission de consultation, ce qui pouvait se comprendre historiquement jusqu’à la création de la DREP. À présent, cette direction répond à plus de 10 000 questions par an. La mission de consultation pouvait à mon sens brouiller l’image d’indépendance du médiateur qui n’a pas à donner, en l’absence de conflit acté, son avis. À chacun son métier. Ma deuxième grande orientation consiste à rendre le médiateur plus actif tout au long des négociations ; il doit donner son avis ou faire des suggestions. Je pense que la neutralité du médiateur n’y fait pas obstacle.

d’un juge en cas d’échec de la médiation. J’interviens pour sensibiliser une partie à son intérêt à entrer en médiation. En effet, la médiation ne présente que des avantages, tant pour le client que pour les professionnels. Pour le client, l’intérêt est évident : il s’agit d’une procédure rapide, gratuite et qui suspend la prescription à compter de la saisine du médiateur. En cas d’échec, le recours à un juge reste possible : le client dispose a minima d’un délai de six mois pour saisir le juge (C. civ., art. 2238) 1. Ainsi, grâce à la médiation, le client se donne une chance d’obtenir gain de cause en quelques mois, sans faire échec, en cas de besoin ultérieur à un recours au juge. Pour les opérateurs financiers (PSI, CIF, sociétés de gestion), la médiation est le plus souvent un moyen d’identifier un dysfonctionnement et d’y remédier sans atteinte à son image puisque la règle fondamentale d’une médiation est la confidentialité. L’atteinte à l’image est le risque le plus redouté d’un professionnel. Devant un juge, en effet, le risque est double : un jugement est public et porte une atteinte à l’image et le jugement fait jurisprudence. Or, une jurisprudence est rétroactive. Grâce à la médiation, un PSI peut redresser lui-même sa politique s’il y a eu un dysfonctionnement dans les procédures. Et si cela est fait rapidement et loyalement, et j’en ai eu un récent exemple, le PSI relance même sa relation commerciale. Je rappelle que la médiation est confidentielle et n’entraîne aucune reconnaissance de faute. Le professionnel verse une somme à titre de geste commercial. Enfin, ma troisième orientation a été de donner une meilleure visibilité du médiateur de l’AMF, notamment par rapport à la médiation bancaire. En matière de médiation bancaire, la mention du médiateur sur les relevés de compte est une obligation légale 2. Rien de tel pour la médiation de l’AMF. Or, la directive du 21 mai 2008 3 prévoit que les États membres prennent des mesures pour favoriser la connaissance du médiateur. Aujourd’hui, le médiateur n’existe que sur le site de l’AMF. Encore faut-il savoir qu’il existe et que sa demande entre dans son champ de compétence. Le rapport du groupe de travail présidé par Jacques Delmas Marsalet et Martine Ract Madoux a préconisé que cela figure sur d’autres documents que sur le site de l’AMF. Une réflexion va être engagée dans ce sens. Un grand pas a déjà été fait grâce aux décisions prises dans le cadre du pôle commun ACP/AMF au niveau du traitement en amont des réclamations, c’est-à-dire de la phase qui permet de cristalliser le litige. En effet, le médiateur ne doit pas être saisi prématurément. Le conflit doit être précédé d’une première démarche à

“ La médiation ne présente
que des avantages, tant pour le client que pour les professionnels „
Mes fonctions d’ancien directeur juridique de banque m’aident à comprendre les dossiers et à faire la part de ce qui dans une banque relève d’une contrainte informatique ou d’une politique. En même temps, mes anciennes fonctions de juge m’aident à mieux sensibiliser le professionnel à ce que pourrait être le réflexe
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C. mon. fin., art. L. 621-19 : la saisine de l’AMF suspend la prescription. Celle-ci court à nouveau lorsque l’AMF déclare la médiation terminée (cette disposition plus favorable déroge à l’article 2238 du Code civil qui fait courir la suspension de la prescription à compter du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation). Inversement, l’article 2238 du Code civil (issu de la loi du 22 juill. 2008) est plus favorable en ce sens qu’il dispose que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. C. mon. fin., art. L. 315-1. Dir. PE et Cons. n° 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

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Bulletin Joly Bourse

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Mai 2012



Entretien - Le cercle vertueux de la médiation

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