Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 187

LE GENRE COMME VECTEUR DE TRANSFORMATION DU DROIT
dénoncent l'inadéquation des catégories « femme »/« homme » pour dire la
complexité d'une identité ne se résumant pas à des assignations binaires, ce
groupe peut être analysé comme une forme de réaffirmation paradoxale de leur
pertinence.
2. Caractéristiques sociodémographiques et politiques des répondants
et des répondantes ayant choisi la catégorie « Autre »
Les personnes ayant choisi la catégorie « Autre » pour définir leur identité
sexuée ont-elles un profil sociodémographique différent de celles et de ceux qui
se reconnaissent dans les catégories de « femme » ou d'« homme » ? Au regard
de leur positionnement par rapport à la binarité sexuée, ces personnes se
répartissaient, lors de la vague 1 de l'enquête électorale du CÉVIPOF et
lorsqu'elles n'avaient pas le choix, en proportion égale chez les femmes et les
hommes. Elles comptent un peu plus de seniors et de jeunes seniors, soit 57 %
de 50 ans et plus (50 % chez les femmes et 47 % chez les hommes). Et, ce qui
est logique, un peu plus de retraité·es : 34 % (30 % chez les femmes, 29 % chez
les hommes). Elles sont moins souvent diplômées du supérieur : 41 % (50 % des
femmes, 46 % des hommes) et plus fréquemment détentrices d'un niveau de
diplôme correspondant au brevet des collèges (BEPC) ou à des formations
professionnelles accessibles depuis le collège (CAP/BEP) : 33 % (22,5 % des
femmes, 28,5 % des hommes). En d'autres termes, il ne s'agit pas de jeunes
universitaires contaminé·es par la redoutée « théorie du genre » 58, de personnes
séduites par ce que ses contempteurs appellent une mode et brocardent parfois
comme un conformisme. Il faut chercher ailleurs les raisons de leurs choix ou les
configurations dans lesquelles ceux-ci s'inscrivent. Intervient en premier lieu
leur orientation sexuelle. Les personnes choisissant la catégorie « Autre » se
caractérisent, plus que les hommes et les femmes déclarées, par une appartenance
à des catégories marginales, voire taboues. 12 % se désignent comme
bisexuel·les, ce qui est le cas de seulement 1 % des femmes et 2 % des hommes.
7,5 % se disent asexuel·les, contre 1 % des femmes et 0,5 % des hommes. 5 %
se définissent comme homosexuel·les, contre 1 % parmi les femmes et 4 % parmi
les hommes. De surcroît, ils sont 8,5 % à ne pas vouloir donner d'informations
sur cette orientation, contre 5 % des femmes et 3 % des hommes.
L'homosexualité semble un peu plus passée dans les mœurs et acceptée, tout au
moins pour les hommes, appartenance qui les « conduit » à se sentir encore plus
radicalement différents du reste de la population puisqu'ils en viennent à refuser
de se soumettre au choix binaire femme-homme.
Ce profil va de pair avec des options politiques elles aussi minoritaires. En
effet, parmi ces « autres », on rencontre une proportion élevée de personnes qui
se situent « très à gauche » : 10 % contre 3 % chez les femmes et 4 % chez les
hommes, ou qui ne peuvent se situer, pour 9 % d'entre elles contre 5 % des
femmes et 5,5 % des hommes. On y croise aussi 7 % de proches du Nouveau
58. Laurie LAUFER et Florence ROCHEFORT (éd.), Qu'est-ce que le genre ?, Payot, Paris, 2014.
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021

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