Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 71

LE DROIT COMME VECTEUR DES INÉGALITES DE GENRE
Outre la question de la « conciliation », certaines avocates ont souligné le
caractère plus accueillant du droit familial pour les femmes, par opposition au
droit pénal, qui serait « macho » :
« Q : Au début, vous étiez plutôt attirée par le droit pénal ?
R : Oui, tout à fait. Et puis, je me suis rendue compte quand même que c'était un
milieu qui était difficile le pénal, par le milieu carcéral... Parce qu'aussi, c'est un
milieu qui est assez macho, vous remarquerez que les grands pénalistes sont
essentiellement des hommes... Et je trouve que c'est une matière, pour une
femme, qui peut être parfois un peu difficile.
Q : Tandis que le droit de la famille, c'est moins macho ?
R : Euh, ça l'est peut-être un peu moins parce que, je sais pas si vous l'aurez
remarqué, mais... il y a beaucoup de femmes qui font ce métier-là. Donc c'est
vrai que c'est peut-être plus facile » (Caroline Sourice 31, 38 ans, avocate associée
spécialisée à Besson. Fille d'un expert-comptable et d'une enseignante, mariée à
un avocat d'affaires).
Les propos de Caroline Sourice posent la question plus générale du sexisme
chez les avocats et les avocates. Selon le Défenseur des droits 32, les femmes
avocates rapportent plus souvent avoir subi des discriminations que leurs
confrères, mais aussi plus souvent que les femmes en population générale. Dans
ces expériences, la question de la maternité apparaît centrale, comme le souligne
Cécile Martin-Dubois, qui s'est fait licencier suite à sa grossesse et qui a créé son
cabinet, faute de trouver un emploi dans un cabinet généraliste 33 :
« Moi j'étais pénaliste au début. [...] J'étais collaboratrice dans un cabinet
généraliste, et puis j'ai annoncé que j'étais enceinte, et on m'a annoncé : " Ah
d'accord. Et bien au revoir, alors ! " . Voilà. Donc je me suis fait virer à la seconde.
Donc je suis retournée chez le bâtonnier, et puis ensuite j'ai créé mon cabinet [...]
parce qu'évidemment, j'avais pas de boulot, parce que j'avais pas de crèche,
j'avais pas de crèche, donc j'avais pas de boulot... » (Cécile Martin-Dubois, 39
ans, avocate spécialisée en droit familial à Paris. Fille d'une universitaire et d'un
père profession libérale, mariée à un avocat d'affaire).
Dans ce contexte, exercer en individuel ou rejoindre un cabinet spécialisé en
droit familial offrirait aux avocates la possibilité de travailler dans un climat
probablement plus propice 34.
31. Entretien avec Muriel Mille, avril 2014.
32. Défenseur des droits, Conditions de travail et expériences des discriminations dans la
profession d'avocat·e en France, 2018. En France, le Défenseur des droits est une autorité
administrative indépendante chargée d'assurer le respect des droits fondamentaux et servant de
médiateur entre l'État, l'administration et les citoyens et les citoyennes. Il correspond à la
fonction d'ombudsman dans d'autres pays, notamment scandinaves.
33. Entretien avec Céline Bessière, Aurore Koechlin et Camille Phé, novembre 2014.
34. L'enquête Conditions de travail 2013 de la DARES montre que les emplois « typiquement
féminins » protègent relativement les femmes de la survenue de comportements hostiles à
dimension sexiste (Elisabeth ALGAVA, « Dans quel contexte les comportements sexistes au
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021

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