Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 77

LE DROIT COMME VECTEUR DES INÉGALITES DE GENRE
promue en France, entre autres, par Clotilde Reymbault-Dawkins. Celle-ci
souligne l'aspect novateur du droit collaboratif, qui permet d'importer dans le
droit de la famille des modes de négociation issus du droit des affaires. À Besson,
c'est Grace Dupont-Bernard 52, avocate associée et spécialisée d'une
cinquantaine d'années, qui a importé cette pratique, avec l'aide de Caroline
Sourice. Ces avocates manifestent un refus des procédures trop contentieuses et
des avocates trop conflictuelles. La plupart des avocats et des avocates
rencontrées soulignent d'ailleurs leur rejet des confrères trop agressifs et se
positionnent comme des professionnel·les cherchant l'apaisement. Armelle
Castelli 53, avocate associée de 35 ans à Paris, spécialisée en droit de la famille et
pratiquant le droit collaboratif, explique qu'il s'agit d'un « esprit nouveau » entre
avocat·es, regrettant d'être parfois confrontée à des avocat·es « avec une position
dure ». Une des consœurs spécialisées avec qui Armelle Castelli apprécie
travailler, Karine Million, souligne une différence générationnelle entre
avocat·es en droit de la famille. À la fin de l'entretien, elle explique que les
avocates les plus âgées, plus engagées pour les droits des femmes, ne sont pas
forcément les meilleures professionnelles. Elle les décrit comme des
« hystériques » qui voient le procès comme une guerre, alors que les avocates
plus jeunes sont plus pragmatiques et cherchent l'apaisement. De même, Cécile
Hamon 54, avocate de 40 ans formée au droit collaboratif, revendique une
pratique amiable du droit de la famille, dénonçant la « hargne » de certains
confrères et de certaines consœurs :
« Moi j'ai pas du tout la réputation d'un avocat teckel roquet je pense [...] Il y a
des confrères qui sont réputés parce qu'ils sont hargneux. [...] Il y en a une qui va
être hargneuse mais qui va faire des divorces pour faute pas pour des raisons
financières, mais pour la hargne, parce qu'elle adore ça ! » (Cécile Hamon, 41
ans, avocate indépendante spécialisée en droit familial à Besson. Fille d'un père
technicien et d'une mère assistante sociale, divorcée).
À Besson comme à Paris, ces avocates valorisant le consensus et l'apaisement
s'opposent ainsi à une génération plus âgée d'avocates proches de la soixantaine,
perçue comme plus conflictuelle. De fait, parmi les 9 avocates pratiquant le droit
collaboratif, 7 ont moins de 50 ans. À l'inverse, certaines avocates plus âgées
revendiquent avoir (eu) une pratique contentieuse et offensive du droit de la
famille. C'est le cas par exemple de Gisèle Morival 55, une avocate en exercice
individuel de Besson d'une soixantaine d'années, qui se présente en entretien
comme « le canard noir du barreau » et insiste sur sa réputation contentieuse
comme argument de vente face à ses clients et clientes. « Moi je suis une
teigneuse », explique-t-elle en rendez-vous à un chef d'entreprise paysagère qui
change d'avocat car il souhaite une pratique plus offensive dans son divorce 56.
52. Entretien avec Céline Bessière et Camille Phé, février 2014.
53. Entretien avec Aurore Koechlin, novembre 2013.
54. Entretien avec Muriel Mille et Gabrielle Schütz, février 2014.
55. Entretien avec Muriel Mille et Marie-Andrée Plante, février 2014.
56. Observation par Anaïs Bonnano et Muriel Mille, février 2014.
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021

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