Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 101

Agathe VAN LANG
crise écologique et sociale. Le mot d'ordre de cette lutte n'est pas NIMBY (not in
my backyard), mais NINA : ni ici, ni ailleurs. Ces acteurs restés longtemps dans
les coulisses prétendent faire émerger rien moins qu'un Bien commun, susceptible
de concurrencer l'intérêt général défini par les autorités publiques. Souvent
ils se présentent aussi comme les porte-paroles des sans-voix que sont les
entités naturelles.
B. L'irruption des intérêts non humains sur le devant de la scène
Parmi les opposants aux GPII, on trouve des naturalistes et militants écologistes,
mais aussi des agriculteurs . Tous défendent les intérêts des espèces animales
et végétales et des espaces naturels. Car « la politique d'aménagement
des territoires tente, depuis plusieurs décennies, de concilier deux logiques contradictoires,
celle du développement économique et celle de la protection de la
nature » 37. Pour ce faire, le droit a créé des instruments tels que les parcs naturels
régionaux et parcs naturels marins, alliant protection des milieux naturels et
développement des activités humaines dans la logique du développement durable,
et les trames vertes et bleues (TVB), visant la protection des continuités
écologiques au nom de la fonctionnalité écologique, pour enrayer la perte de
biodiversité.
Les TVB sont des infrastructures écologiques en réseau, définies par la loi
Grenelle II comme des « outils d'aménagement » 38. La loi prend soin
d'imposer la compatibilité des documents de planification et projets nationaux,
tels que les grandes infrastructures linéaires, avec les Orientations nationales
pour la préservation des continuités écologiques, ainsi que les mesures permettant
d'éviter, de réduire et de compenser les atteintes qui leur seraient causées
par ces documents et projets. Le dispositif peut ainsi donner le sentiment,
comme il a été écrit, que « la biodiversité aménage les territoires » 39. Mais
c'est une illusion.
Pour comprendre ce qui se trame autour du vivant non humain (animaux et
végétaux) et des autres éléments naturels abiotiques (non vivants) tels que
l'eau, l'air, le sol, le climat, il faut voir que le droit de l'environnement
n'échappe pas à « la dogmatique économique, qui s'étend à la terre elle-même
[...] assimilée à une marchandise » 40, comme le montre son incorporation du
concept de développement durable. La définition de la biodiversité inscrite dans
37. Jean-Christophe VANDEVELDE, « Les choix de tracé des grandes infrastructures de transport :
quelle place pour la biodiversité ? », dans Développement durable et territo ire , 4 , 1 , av r il
2013.
38. V. le commentaire du Code de l'environnement. Annoté et commenté, Dalloz, Paris, 2019 sur
l'art. L 371-1 : « On peut se demander si les TVB constituent des outils de protection de la nature
ou bien s'ils relèvent d'une logique d'aménagement du territoire. [...] les TVB ressemblent
en effet davantage à des documents d'aménagement qu'à des procédures de protection ».
39. Magalie FRANCHOMME, Marie BONNIN et Christelle HINNEWINKEL, « La biodiversité " aménage-t-elle "
les territoires ? Vers une écologisation des territoires », dans Développement durable
et territoire, 4, 1, avril 2013.
40. Alain SUPIOT, art. précit.
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Recherches et travaux, vol. 35/2022

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