Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 107

Olivia BUI-XUAN
engendrées (I), confortées (II), mais également résorbées (III) par les intercommunalités.
I.
Les fractures territoriales générées par les intercommunalités
Toutes les intercommunalités n'engendrent évidemment pas de fragmentations
territoriales. Il semblerait que ce soit les établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) à fiscalité propre regroupant des territoires hétérogènes
qui soient le plus vecteur d'inégalités. On pense particulièrement aux
« EPCI XXL », communautés urbaines et métropoles, qui regroupent des territoires
aux populations très variées et aux problématiques spécifiques.
À l'instar de Christophe Guilluy 9, de nombreux spécialistes en sciences sociales
ont ainsi montré que ces vastes intercommunalités étaient sources de discontinuités
territoriales. On peut en distinguer deux types : d'une part, les fractures
entre territoires relevant des « intercommunalités XXL » et ceux n'en relevant
pas et, d'autre part, les fractures territoriales au sein même des intercommunalités,
notamment entre centre-ville et zones périurbaines.
A. Les fractures territoriales entre « intercommunalités XXL » et
intercommunalités plus modestes
S'agissant des fractures entre métropoles dynamiques et intercommunalités
regroupant uniquement des petites communes , on peut se demander si la variété
des catégories d'EPCI est pertinente. On a le sentiment qu'il y a aujourd'hui des
intercommunalités à plusieurs vitesses, confortées par les lois MAPTAM 10 et
NOTRe 11 : tout se passe comme si on avait d'un côté les intercommunalités de
la « France périphérique » et, de l'autre, les intercommunalités de la « France
compétitive », lesquelles bénéficient non seulement du label « métropole » 12,
mais également de dotations financières importantes. La compétition croissante
9. Pour Christophe Guilluy, « la majorité de la population, et singulièrement l'immense majorité
des classes populaires, vit à l'écart des territoires les plus dynamiques, dans une " France périphérique " .
Des marges périurbaines les plus fragiles des grandes villes jusqu'aux espaces ruraux
en passant par les petites villes et villes moyennes, c'est 60 % de la population qui v it à
l'écart des métropoles mondialisées. Cette " France périphérique " représente déso rmais un
continuum socioculturel où les nouvelles classes populaires sont surreprésentées » . Dans le
même temps, il affirme que cette « France périphérique » ne se confond pas avec la « France
rurale », ni même avec la « France périurbaine » (Christophe GUILLUY, Fractures françaises,
Flammarion, Paris, 2013 (2010), p. 107).
10. Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et
d'affirmation des métropoles.
11. Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
12. Voir Christophe GUILLUY, dans son ouvrage Fractures françaises, op. cit., Il entend par « métropolisation
», « la concentration dans les grandes villes des activités qui portent déso rmais
l'économie française », non la multiplication des EPCI appelés « métropo les » ( p. 91) . Les
deux notions peuvent toutefois se rejoindre. Ainsi, dans un autre ouvrage, il définit la métro -
polisation comme « l'organisation du territoire autour d'une quinzaine de grandes villes » (Le
crépuscule de la France d'en haut, Flammarion, Paris, 2017 (2014), p. 15).
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Recherches et travaux, vol. 35/2022

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