Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 109

Olivia BUI-XUAN
un mouvement inverse qui relèverait plutôt d'une recentralisation. Sous l'effet
de la Révision générale des politiques publiques, initiée sous la présidence de
Nicolas Sarkozy dans une perspective de réduction des dépenses publiques 18,
les territoires périurbains ont été progressivement délestés de leurs services publics,
lesquels ont été mutualisés avec ceux de villes plus importantes. Les territoires
de ces EPCI sont par ailleurs très inégalement desservis par les transports
en commun, ils comptent une proportion de logements sociaux très disparate, le
prix de l'immobilier peut varier du simple au triple en fonction de la localisation
géographique. Trop vastes, ces « intercommunalités XXL » perdent la cohérence
qui pouvait faire leur force.
Les fragmentations territoriales au sein des intercommunalités ont été renforcées
dans les années 2010 du fait de l'impératif de la « rationalisation de la
carte intercommunale » : les pouvoirs attribués aux préfets pour fusionner les
EPCI, rattacher d'office une commune à un EPCI ou en délimiter les périmètres,
ont largement permis de contourner le principe de libre administration des collectivités
territoriales et la volonté des organes municipaux 19. L'objectif consistant
à réduire le nombre d'EPCI et à les fondre dans des EPCI plus vastes a été
poursuivi avec la loi NOTRe, laquelle a augmenté le seuil des communautés de
communes de 5 000 à 15 000 habitants, ce qui a contribué à réduire le nombre
d'intercommunalités à fiscalité propre de 40 % et, par là même, à éloigner le
lieu de prise de décision des territoires où les problèmes se posent.
La crise des « gilets jaunes » a par ailleurs conforté l'idée selon laquelle les
intercommunalités contribuaient à renforcer les fractures territoriales. La loi
« Engagement et proximité » 20 a d'ailleurs cherché, dans une certaine mesure,
à atténuer cet effet. Dévoilé en juillet 2019 à l'issue du « grand débat national
», le projet de loi visait à « lutter contre la fracture territoriale », sa vocation
étant de « remettre le maire au cœur de l'intercommunalité », de « choisir son
intercommunalité, plutôt que de la subir » ou encore de « remettre de la souplesse
dans la répartition des compétences entre la commune et l'intercommu -
nalité » 21. Au final, la loi du 27 décembre 2019 a pris à rebours le mouvement
de rationalisation de la carte intercommunale, en autorisant les communautés de
communes et les communautés d'agglomération à se scinder en plus ieurs EPCI
regagner une part de leur libre administration en étendant la procédure de retrait
dérogatoire pour qu'elles puissent se retirer d'une communauté de communes
afin de rejoindre un autre EPCI. La loi comporte en revanche peu de dispositions
relatives aux intercommunalités XXL.
18. Françoise DREYFUS, « La révision générale des politiques publiques, une conception néolibérale
du rôle de l'État ? », dans RFAP, 2010/4, p. 857-864.
19. Voir Cécile REGOURD, « Libre administration et intercommunalité », dans AJDA, 2018,
p. 2327 et s.
20. Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dan s la v ie locale et à la
proximité de l'action publique.
21. Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités t err it or iales,
Projet de loi engagement et proximité. Dossier de presse, juillet 2019.
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Recherches et travaux, vol. 35/2022

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