Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 110

Les impensés du droit adminstratif des territoires
Si les fractures territoriales - qui sont évidemment étroitement liées aux
inégalités sociales - peuvent donc être générées par le droit de l'intercommunalité,
elles sont également renforcées par les règles de fonctionnement et de
prise de décision qui régissent les EPCI.
II. Les fractures territoriales confortées par les
intercommunalités
On voudrait ici montrer que les règles juridiques relatives à la participation
des différentes communes membres d'un EPCI à la prise de décision au sein de
leur intercommunalité contribuent à renforcer les fragmentations territoriales . Il
s'agit ainsi d'exposer les modalités de représentation des communes au sein des
organes délibérants des EPCI, avant de réfléchir aux remèdes susceptibles de réparer
les fractures que de telles modalités contribuent à renforcer.
A. Les modalités de représentation et de représentativité des
communes au sein de l'organe délibérant des intercommunalités
Un nombre croissant d'élus de petites et moyennes communes ont le sentiment
de ne pas peser sur les décisions adoptées au niveau de l'organe délibérant
de l'EPCI dont elles relèvent. Leurs représentants sont en nombre insuffisant
pour leur permettre d'avoir une influence dans les débats et les délibérations.
Ainsi les décisions leur sont-elles imposées par les représentants de la ou des
communes les plus peuplées. Cette difficulté au niveau de la gouvernance des
intercommunalités reposant sur une logique de domination de la commune la
plus importante constitue une autre illustration du mouvement de recentralisation
évoqué précédemment.
Plus précisément, les fractures territoriales paraissent confortées par les
règles de répartition des sièges des conseillers communautaires au sein des organes
délibérants des EPCI, régies par l'article L. 5211-6-1 du CGCT, qui ont
connu une évolution avec la loi du 9 mars 2005 22 à la suite de la décision
Commune de Salbris de 2014 23.
Il convient de rappeler que, dès 1995, le Conseil constitutionnel a appliqué
le critère démographique à la répartition des communes au sein des EPCI : il a
affirmé que « dès lors que des établissements publics de coopération entre les
collectivités locales exercent en lieu et place de ces dernières des compétences
qui leur auraient été sinon dévolues, leurs organes délibérants doivent être élus
sur des bases essentiellement démographiques ; que s'il s'ensuit que la répartition
des sièges doit respecter un principe général de proportionnalité par rapport
à la population de chaque collectivité locale participante, il peut être toutefois
tenu compte dans une mesure limitée d'autres considérations d'intérêt général
22. Loi n° 2015-264 du 9 mars 2015 autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseiller
communautaire.
23. Cons. const., 20 juin 2014, Commune de Salbris, n° 2014-405 QPC.
Recherches et travaux, vol. 35/2022
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