Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 124

Les impensés du droit adminstratif des territoires
usuels. La capitale y est définie soit comme la ville principale d'un État 14, soit
comme la ville où siège le gouvernement d'un État 15. Il arrive parfois que ces
deux éléments soient compris dans une seule et même définition : Le Robert
évoque ainsi la « ville qui occupe le premier rang dans un État, une province et
qui est le siège du Gouvernement » 16. Certaines définitions élaborées par des
juristes reprennent également ces deux éléments, quoiqu'elles ne s'accordent
pas toujours sur la manière de les combiner : selon Luigi Ferraris, « par villecapitale,
on entend généralement la ville qui étant le siège du pouvoir politique
central de l'État, devient la ville principale » 17 ; selon une ancienne édition du
Vocabulaire juridique, la capitale est « ordinairement la ville principale de
l'État. Le plus souvent, elle est aussi le siège des pouvoirs publics » 18.
À la vérité, la définition de la capitale d'un État comme la ville principale
de celui-ci encourt deux critiques. La première critique tient à son imprécision :
de multiples critères, d'ordre démographique, économique ou socioculturel,
sont en effet susceptibles d'être utilisés pour identifier celle qui occupe le premier
rang parmi les villes d'un État ; il y a ainsi autant de classements possibles,
que de critères envisageables. La seconde critique tient à son manque de
rigueur : de nombreuses capitales ne peuvent être considérées comme les principales
villes de l'État ; c'est le cas en particulier des capitales des États fédéraux,
comme Washington, Canberra ou Brasilia. Il convient donc d'écarter la
définition fondée sur une référence à la « ville principale d'un État » pour lui
préférer celle fondée sur la référence au « siège des pouvoirs publics ». La notion
de capitale renvoie dès lors à la ville où siègent de manière permanente les
plus hautes autorités de l'État.
À l'occasion du débat sur la loi municipale, en 1884, Waldeck-Rousseau,
alors ministre de l'Intérieur, a pu résumer les choses de la manière suivante :
« Paris ne peut jouir des honneurs d'une capitale et des prérogatives laissées
aux municipalités » 19. En effet, la capitale fait le plus souvent l'objet d'un statut
spécifique 20. L'on entend par là que les règles qui la concernent diffèrent de
celles applicables aux autres villes. La présence des pouvoirs publics sur le ter14.
Oscar BLOCK et Walter VON WARTBURG, Dictionnaire étymologique de la langue française ,
3e éd., PUF, Paris, 2008, p. 106 et Le nouveau Littré, Garnier, Paris, 2005, p. 242.
15. Dictionnaire de la langue française, Flammarion, Paris, 1999, p. 171 ; Dictionnaire encyclopédique
Quillet, 1956, tome I, p. 321 ; Grand dictionnaire encyclopédique Larousse , 1982,
tome II, p. 1756.
16. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2e éd. Le Robert, Paris, 1985,
p. 333. Pour une définition similaire, voir le Dictionnaire de l'Académie française, 9e éd., Imprimerie
nationale-Fayard, Paris, 2005, p. 669.
17. Luigi FERRARIS, La capitale ed il suo ordinamento, Fratelli Bocca, Turin, 1912, p. 43.
18. René CAPITANT (éd.), Vocabulaire juridique, PUF, Paris, 1936.
19. JO débats, Chambre des députés, 9 novembre 1883, p. 2268.
20. Sur le statut des villes-capitales, voir notamment : Charles W. HARRIS, Congress and the Go -
vernance of the Nation's Capital. The Conflict of Federal and Local Interests, Geo rgetown
UniversityPress, Washington, 1995 ; Laetitia JANICOT, Franck LAFFAILLE et Olivier
RENAUDIE (éd.), Les villes capitales, miroirs de l'État ?, Lextenso , P aris, 2015 ; Xav ier
PRETOT, art. précit. ; Luciano VANDELLI, « Paris-Londres-Berlin-Rome-Madrid », dans Pouvoirs,
110, 2004, p. 101.
Recherches et travaux, vol. 35/2022
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