Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 128

Les impensés du droit adminstratif des territoires
villes » 41. De son côté, le ministre de l'Intérieur de l'époque a pu faire valoir
que la décentralisation se pose « en termes particuliers et avec le plus d'acuité
dans les très grandes villes et dans les très grandes agglomérations » 42. Ainsi
donc Paris n'est plus envisagé en tant que ville spécifique du fait de son rang de
capitale, mais comme une grande métropole, au même titre que Marseille et
Lyon. La seconde illustration est la création en 2008 d'un secrétariat d'État au
développement de la région capitale 43. Contrairement à ce que la référence à la
capitale pourrait laisser penser, la principale mission assignée au titulaire de ce
portefeuille ministériel était de transformer l'agglomération parisienne en une
« métropole mondiale du XXIe siècle » 44. Il est d'ailleurs singulier de constater
que, dans ses ouvrages et discours, le titulaire de ce portefeuille, Christian
Blanc, n'a eu de cesse d'ériger en modèle les villes de New-York, Los Angeles,
Tokyo et Bombay 45. Or l'on peut constater que, parmi ces métropoles, une
seule est une ville-capitale (Tokyo). Paris est ici envisagé non plus comme une
capitale, mais comme une métropole confrontée aux mêmes problèmes de logement,
de transport, d'aménagement ou encore de sécurité que les autres auxquelles
Paris peut être comparé. Si un statut spécifique doit lui être réservé,
c'est au regard de sa taille et des problèmes induits par celle-ci, et non en raison
de son rang de capitale.
Si le « Petit Paris » demeure la capitale de la France, le droit administratif
contemporain attache moins d'importance à cette condition, qui ne lui permet
plus de demeurer à l'écart des évolutions juridiques affectant les grandes villes.
Un autre mouvement apparaît tout aussi remarquable : l'émergence d'un gouvernement
métropolitain.
II. Le « Grand Paris », le droit et la redistribution des
territoires politico-administratifs
Si le statut du Petit Paris s'est banalisé dans ses récentes réformes, le statut
du Grand Paris (son périmètre, ses compétences et la nature de son leadership
politique), inexistant jusqu'en 2016, fait l'objet de vifs débats politiques dans
41. Jean POPEREN, Rapport au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation
et de l'administration générale de la République, dans JO, Annexes, Ass. nat., 1148, p. 6.
42. Circulaire du 8 avril 1983 relative aux dispositions législatives et réglementaires applicables à
Paris, à Marseille et à Lyon.
43. Décret n° 2009-929 du 29 juillet 2009 relatif aux attributions déléguées au secrét aire d'État
chargé du développement de la région capitale.
44. Christian BLANC, Le Grand Paris du XXI
e siècle, Le Cherche Midi, Paris, 2010, p. 4.
45. « La globalisation, l'économie de l'innovation et l'accélération des échanges dessinent un
monde moderne organisé autour des grandes métropoles internationales parmi lesquelles un
petit nombre de 'villes-monde' vont s'imposer. Pouvons-nous faire du Grand Paris une ville -
monde qui soit la tête de pont de la France dans la compétition mondiale ? Comment jouer
notre chance face à New York, Los Angeles, Tokyo ou Bombay sans trahir notre h isto ire et
perdre notre âme ? Comment être attractif et compétitif parmi les grandes métropoles internationales
sans sacrifier notre exigence environnementale et notre pacte social ? (...) » (Ch r istian
BLANC, op. cit., p. 4-5).
Recherches et travaux, vol. 35/2022
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