Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 131

Jeanne CHAUVEL et Olivier RENAUDIE
Comme dans d'autres métropoles mondiales, l'enjeu crucial du Grand Paris
est donc de faciliter la coordination d'acteurs multiples , dans un contexte de
fragmentation institutionnelle, économique et sociale pour assurer le gouvernement
de la ville, c'est-à-dire réussir à prendre et à mettre en œuvre les décisions
nécessaires pour améliorer le quotidien et le cadre de vie des habitants.
Deux types de solutions à ce problème de coordination - à la fois spatiale,
fonctionnelle et sectorielle 54- ont été envisagés dans la décennie 2000 en Ilede-France
: les politiques d'aménagement du territoire pour mieux aménager,
les politiques institutionnelles réformatrices pour mieux gouverner. Ces deux
politiques publiques sont bien distinctes, mais elles ont pourtant de nombreuses
connexions s'agissant du Grand Paris.
B. L'aménagement du territoire métropolitain comme outil de
coordination
L'aménagement du Grand Paris est d'abord pris en charge par la Région Ilede-France
grâce à un outil stratégique (le SDRIF), dont la révision commence en
2004. Mais cet outil porte sur l'ensemble du territoire régional, y compris ses
franges rurales qui le bordent (notamment à l'es t, dans le département de Seineet-Marne).
La prise en compte de la « zone dense », ou encore du « cœur de
l'agglomération » comme nomment les élus dans leurs débats l'unité urbaine au
sens de l'INSEE (plus ou moins les quatre départements centraux de l'Ile-deFrance),
n'est pas évidente pour une institution qui doit composer avec un territoire
fragmenté en plus de 1 200 communes, comportant Paris au centre, mais
aussi des communes très rurales à ses franges. La stratégie régionale d'aménagement
se heurte rapidement à la prise en charge du dossier du Grand Paris par
l'État en 2007. Après des discours cadres du président de la République dès son
arrivée au pouvoir en mai 2007, un secrétariat d'État au Développement de la
région capitale est mis en place en mars 2008, en concurrence directe des prérogatives
régionales pourtant récemment décentralisées. Christian Blanc prend
la tête d'une administration de mission d'une quarantaine de personnes pour
proposer un plan d'aménagement global. Le projet de loi soumis à l'Assemblée
nationale en 2009 écarte l'enjeu de la gouvernance métropolitaine (pourtant
évoquée dans le rapport Dallier en mars 2008, et surtout dans le rapport Balladur
qui paraît quelques mois auparavant). Il reprend des éléments semblables
au projet d'aménagement régional avec un projet de métrophérique en rocade
autour de Paris pour sortir d'une logique de transports publics en faisceaux. Ce
projet de transport public est adossé à un plan de développement territorial autour
de clusters, ou de pôles de compétitivité sur l'ensemble de l'unité urbaine.
Adopté en juin 2010, ce projet fait l'objet de négociations avec le conseil régional,
qui défend quant à lui également un projet de métrophérique concurrent,
54. Willem SALET, Andy THORNLEY, et Anton KREUKELS (éd.), Metropolitan governance and
spatial planning: comparative case studies of European city-regions, Spon Press, Londres,
2003.
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Recherches et travaux, vol. 35/2022
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