Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 132

Les impensés du droit adminstratif des territoires
Arc Express, au tracé différent du projet étatique. Un accord est trouvé entre le
conseil régional et l'État en janvier 2011 sur un projet commun qui s'intitule
désormais Grand Paris Express 55. Piloté par la Société du Grand Paris (SGP),
établissement public créé ex nihilo, ce projet d'aménagement, au coût estimé à
son lancement à plus de 35 milliards d'euros 56, doit être réalisé par tronçons
d'ici à la fin des années 2030. Il est alors le plus coûteux projet d'infrastructures
européen. Par la création du secrétariat d'État dédié, puis par la mise en
place de la SGP dans laquelle l'État est majoritaire, ce projet est symptomatique
d'une recentralisation de la politique d'aménagement régional 57, considérée
comme stratégique pour l'ensemble du pays en contexte de crise économique
majeure, les répercussions de la crise des subprimes de 2008 étant toujours perceptibles
dans la décennie 2010.
C. Quelle réforme territoriale pour gouverner le Grand Paris ?
La recherche d'une meilleure coordination entre acteurs publics en Ile-deFrance
passe également en Ile-de-France par des politiques institutionnelles réformatrices
des gouvernements urbains depuis 2001. Ces dernières ont pour objectif
une plus grande efficience de l'architecture politico-administrative en réorganisant
les conditions de la coopération entre acteurs, et/ou en créant un
échelon d'action publique métropolitain et/ou en redistribuant les compétences
entre chacun de ces échelons.
La politique de coopération entre collectivités territoriales menée par la
Ville de Paris dès 2001 produit ainsi l'émergence d'une scène politique métropolitaine
par la rencontre entre élus locaux : le changement institutionnel se
produit dans une dynamique bottom-up. Cette démarche de coordination entre
élus locaux porte d'abord sur des projets bilatéraux concrets (comme l'aménagement
d'une zone frontalière du périphérique). Elle porte également sur la
mise en place d'une conférence métropolitaine, espace de débat informel entre
maires de la petite couronne parisienne à partir de 2006. Les maires de gauche
présents au départ à l'invitation du maire de Paris et de son adjoint communiste
sont peu à peu rejoints par les maires de droite à partir de 2009 et de la montée
en puissance du sujet métropolitain dans l'espace public. Pourtant transformé
55. Sur les négociations en vue de cet accord et plus largement sur l'évolution des controver ses,
on lira avec intérêt l'analyse d'un ancien directeur de la RATP, Pascal Auzannet, qui a été no -
tamment en charge de la mission de préfiguration du Grand Paris Express et d'un rapport sur
le financement du projet : Pascal AUZANNET, Les secrets du Grand Paris : zoom sur un pro -
cessus de décision publique, Hermann, Paris, 2018. Voir également Alexandre FAURE, « Financer
un projet hors-norme : le nouveau réseau de métro du Grand Paris (2008-2018) », dans
Belgeo [en ligne], 4, 2019.
56. Voir à ce sujet le rapport de Gilles CARREZ, Grand Paris, financement des transports, Rapport
au Premier ministre. Assemblée nationale, 30 septembre 2009 ; ainsi que le rapport de Pascal
Auzannet, Rapport de la mission sur le calendrier pluriannuel de réalisation et de financement
du projet de Grand Paris Express, ministère de l'Égalité des territoires et du Logemen t,
2012.
57. Gérard MARCOU, « La loi sur le Grand Paris, le retour de l'État aménageur », dans AJDA, 33,
11 octobre 2010, p. 1868.
Recherches et travaux, vol. 35/2022
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