Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 135

Jeanne CHAUVEL et Olivier RENAUDIE
dans l'agglomération parisienne : les communes, les territoires, les départements,
la MGP et la région. La simplification institutionnelle régulièrement invoquée
dans les motifs des réformes territoriales est encore loin d'être advenue
61.
Si certains défenseurs du gouvernement métropolitain se réjouissent de cette
innovation institutionnelle (notamment dans les rangs des élus parisiens), les
critiques qui lui sont adressées sont nombreuses et recouvrent les trois points
problématiques énoncés plus haut : un périmètre trop grand ou trop petit, un
leadership insuffisant ou au contraire trop important, une structure juridique
inadaptée. Les élus régionaux, de droite comme de gauche, sont les premiers à
dénoncer la création d'une nouvelle institution métropolitaine, en concurrence
directe de ses attributions. Ils défendent la pertinence de l'échelon régional en
Ile-de-France en matière d'aménagement du territoire et de développement
économique, tandis que l'immense majorité des élus locaux adhère à la nécessité
de créer un Grand Paris sur la zone dense de l'agglomération parisienne.
Pour autant, malgré les annonces présidentielles répétées d'une hypothétique
nouvelle réforme depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron (suppression
des départements de la petite couronne, réforme du statut des EPT,
voire suppression de la MGP ...), rien n'est annoncé. Parallèlement, si le fait urbain
émerge juridiquement, il peine à exister politiquement. Les enjeux métropolitains
sont quasiment absents de la campagne des élections municipales de
2020.
* *
*
Dans ce chapitre, nous avons voulu regarder ce que Paris pouvait nous dire
du droit des territoires, en analysant deux processus principaux : d'une part, la
banalisation du statut du « Petit Paris » ; d'autre part, l'impossible coordination
politique dans le Grand Paris, alors même qu'un gouvernement métropolitain a
été créé en 2016. Jacques Caillosse écrivait en 1995 : « Au total, avec la ville,
c'est un véritable chantier juridique qui s'est ouvert ». Force est de constater
que le chantier est toujours en cours. Si le fait urbain est désormais reconnu juridiquement,
Paris et sa métropole montrent bien les difficultés qui demeurent.
D'une part, ils interrogent le rôle de l'État dans les territoires. Le jeu de dupes
de la décentralisation trouve des illustrations dans les débats récents autour du
projet de loi 3Ds depuis 2019. Ils interrogent également l'évolution du droit
administratif des territoires, entre simplification et droit à la différenciation. Les
tensions demeurent entre le développement continu de la ville des flux consubstantielle
à la métropolisation, et la nécessaire institutionnalisation de périmètres
juridiques (qu'ils soient géographiques, normatifs, de compétences). Le droit
administratif achoppe ici sur la difficulté à créer des périmètres fixes valables
pour tous les secteurs d'action publique, alors même que la pertinence des
échelons est discutée de façon sectorielle (dans une logique de subsidiarité
61. Alain BOURDIN, « Collectivités territoriales : vertus et vices de la simplification du " mille -
feuille " », dans Espaces et sociétés, 142, 2, 2010, p. 113.
135
Recherches et travaux, vol. 35/2022

Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif

Table des matières de la publication Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif