Droit et Société - Tome 35 - Les impensés du droit administratif - 47

Pascale GONOD
fait l'objet d'aucune publicité globale : ainsi, le rapport d'activité du Conseil
d'État ne comporte aucune mention relative à cette activité, et aucun recensement
des missions juridiques ou des recours individuels à des membres du
Conseil d'État ne semble être établi. Par suite, et de fait, s'agissant de la participation
individuelle des membres du Conseil d'État à l'élaboration de normes
susceptibles d'être portées à la connaissance du Conseil d'État dans sa fonction
juridictionnelle, le requérant ne dispose aucunement de la protection qu'offre
l'approfondissement de la séparation organique opérée en 2008.
S'agissant des participations extérieures, la préoccupation du jour porte en
effet davantage sur les départs vers le secteur privé. L'attention portée à ce
phénomène ancien est certes bienvenue, dans la mesure où elle permet de faire
le point sur son ampleur actuelle et, surtout, sur la nature de ses évolutions ,
mais elle conduit également à banaliser des pratiques anciennes, ou, pour le
dire vite, à accréditer cette idée chère à Napoléon d'un Conseil d'État qui soit
un vivier d'administrateurs 16 - idée pourtant alors déjà contestée -, et qui n'est
pas sans susciter quelques interrogations au regard d'exigences démocratiques
plus contemporaines.
II.
Deux des modalités par lesquelles le Conseil d'État s'attache à continuer à
peser sur les conditions d'élaboration de l'intérêt général qui se développent en
marge de ses missions traditionnelles sont en revanche l'objet de nombreuses
études 17.
A
Tout d'abord, on assiste à un regain d'intérêt pour le phénomène du pantouflage
des membres du Conseil d'État, non pas seulement de la part des juristes
universitaires 18 , mais plus généralement dans l'opinion publique, du moins si
l'on en juge de la presse généraliste. Ici, par exemple, L'Obs s'interroge sur
« l'étonnant pantouflage du mari de Fleur Pellerin » 19, conseiller d'État, et dénonce
notamment dans cette affaire le « laxisme » de la Commission de déontologie
de la fonction publique ; là sont publiés des articles dépassant les cas
d'espèce, plus rares : ainsi, Le Canard enchaîné y a consacré ces derniers mois
plusieurs papiers 20, quand il n'y était pas fait référence dans d'autres articles 21,
16. Le Conseil d'État 1799-1974, CNRS Éditions, Paris, 1975, p. 64 et s.
17. Voir en particulier les travaux de Jacques CAILLOSSE et de Jacques CHEVALLIER.
18. Notamment blog de Paul CASSIA ; Catherine TEITGEN-COLLY, « Déontologie et pantouflage
dans la haute fonction publique : l'exemple du Conseil d'État », dans Mélanges en l'honneur
du Professeur Gérard Marcou, IRJS Éditions, Paris, 2018, p. 1115.
19. 13 septembre 2018.
20. « Les conseillers d'État, des tas de conseillers (privés) », 23 janvier 2019 ; « Le Conseil d'État
fait le ménage dans les ménages » 30 janvier 2019...
21. Par exemple : « Pantouflage atomique dans le nucléaire belge », 12 décembre 2018.
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Recherches et travaux, vol. 35/2022

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