Revue - Droit & Société N°111-2022 - 84

S. BARRAL, F. GUILLET
par les récents travaux sur le marché comme mode de régulation politique 16 : ici, on
observe très peu de pilotage stratégique ou d'ingénierie économique de ce marché
par le régulateur dans le but d'atteindre des objectifs politiques. Cependant, malgré
la très faible régulation directe des échanges, le marché constitue un dispositif
central de la mise en œuvre du droit de l'environnement : dans la plupart des cas,
les aménageurs délèguent la responsabilité de la mise en œuvre des mesures en
contractualisant avec une organisation privée, les termes de l'échange échappant
au régulateur. Cette faible régulation, couplée à l'absence d'imposition de moyens
spécifiques pour atteindre les objectifs du droit, constitue le second facteur explicatif
de la grande hétérogénéité des mesures environnementales : on observe sur ce
marché des variations importantes relatives au service échangé (la qualité de la
restauration écologique, sa durée, les modalités de suivi dans le temps) ou au prix.
En s'appropriant les règles de droit, les cadres réglementaires et les obligations des
aménageurs, les organisations intermédiaires participent à la mise en œuvre d'une
politique publique à travers la fourniture de ressources plus ou moins adaptées au
regard des objectifs recherchés.
II. Le temps de la procédure : gestion des risques et des ressources
Pour les aménageurs, la procédure d'étude d'impact est une contrainte à la fois
économique et organisationnelle dans laquelle ils doivent s'engager pour obtenir
l'autorisation administrative de leur projet. Ce qui est en jeu pour eux se comprend
en examinant deux dimensions critiques de la procédure. La première concerne les
différents risques qu'ils encourent : le risque de contentieux, qui peut conduire à
l'annulation du projet ou en ralentir le calendrier, et le risque économique, qui
correspond au surcoût engendré par tout retard pris dans le calendrier des travaux.
La seconde dimension critique tient à l'accès aux ressources foncières et place les
aménageurs face à des contextes d'action dont les temporalités sont hétérogènes :
celui de la procédure et son calendrier contraint, et celui des marchés fonciers qui
fournissent les moyens de répondre aux obligations, mais sur lesquels les transactions
peuvent prendre plusieurs années. Cela donne lieu à différents usages stratégiques
du temps administratif et du temps du marché.
II.1. Usage stratégique du temps administratif : entre prévision et esquive
Pour tout projet soumis à étude d'impact par le Code de l'environnement,
chaque aménageur doit déposer un dossier complet auprès de la DREAL concernée.
Depuis la réforme de simplification du droit de l'environnement de 2017, le
régime dit de l'autorisation unique modifie le circuit administratif des dossiers :
l'aménageur dépose désormais son dossier auprès d'un guichet unique et il revient
ensuite aux différents services concernés par l'instruction de l'étude d'impact d'organiser
la circulation des dossiers en interne. Cette réforme du droit « vise à simplifier la
16. Matthieu ANSALONI et Andy SMITH, « Des marchés au service de l'État ? », Gouvernement et action publique,
6 (4), 2017, p. 9-28. ; Matthieu ANSALONI, Pascale TROMPETTE et Pierre-Paul ZALIO, « Le marché comme forme
de régulation politique », Revue française de sociologie, 58 (3), 2017, p. 359-374.
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