Revue - Droit et société n°114/115-2023 - 152

Caroline Knecht
Les maisons peuvent alors revenir en totalité à ceux qui les ont construites, sous
réserve qu'une surface équivalente puisse être trouvée pour les autres. Il en va de
même pour les arbres, leur valeur économique et l'effort fourni pour rendre le sol
fertile ne devant pas être perdus par l'effet du partage. Dans d'autres familles, le
partage est subordonné aux généalogies familiales car au moment de la répartition,
« c'est l'aîné qui commence à choisir24 ». Dans ce contexte, les femmes sont le plus
souvent écartées de ces jeux de répartition25.
I. 2. Un accès instable et fragile à des droits de culture viagers
Contrairement à leurs frères, les femmes sont exclues de l'héritage en raison de
la place particulière qu'elles occupent dans leur groupe lignager de naissance et
dans celui de leur époux. Il arrive toutefois qu'elles conservent un droit de culture
sur une part de la terre de leur père, dit « igiseke », qui désigne une sous-parcelle
dont peut bénéficier la fille mariée sur la terre de son père, notamment dans le
cas où sa famille de naissance ne viendrait plus lui rendre visite et ne lui porterait
pas les provisions de bienséance qu'il est coutumier d'offrir régulièrement. Plus
rarement, les spécialistes font référence à l'icibare c'abakbwa, à savoir la parcelle
réservée par le père à ses filles en cas de divorce26. L'igiseke et l'icibare c'abakbwa
permettent aux filles d'exploiter pour leur propre compte une partie des terres de
leur famille de naissance et de leur assurer ainsi une indépendance économique
de leur vivant.
L'attribution de cette part est néanmoins soumise à l'approbation des hommes
de la famille, du père d'abord, puis, après son décès, des frères et éventuellement
des oncles. Un rapport publié en 2006 par l'Association burundaise pour la paix et
les droits de l'Homme (APDH), en partenariat avec l'ONG Care International, précise
en ce sens que dans la commune de Ngozi, les femmes mariées bénéficient de
l'octroi d'une portion de terre dans la stricte hypothèse du décès de leurs parents,
tandis que cette acquisition est subordonnée à la détérioration des relations entre
la fille mariée et ses frères dans la commune de Kirundo27. Selon ce même rapport,
24. Entretien avec un agent du service foncier communal, Ngozi, 17 août 2014.
25. Pauline E. Peters, « Inequality and Social Conflict Over Land in Africa », Journal of Agrarian Change,
3 (4), 2004, p. 269-314. DOI : 10.1111/j.1471-0366.2004.00080.x.
26. Entretien avec Barbara Ndimurukundo-Kururu, communicologue, sémiologue et professeure à
l'université du Burundi, Bujumbura, 30 août 2014.
27. APDH, Les barrières légales et sociologiques par rapport à l'accès de la femme à la terre,
Ngozi-Kirundo, 2007. L'enquête menée par le biais d'entretiens semi-directifs, ainsi qu'en ayant
recours à des focus group, couvrait 7 sites : Hina, Kinyami rural et le centre urbain de Ngozi dans la
commune de Ngozi, Gatare dans la commune de Gashikanwa, Rugori dans la commune de Busiga ainsi
que Rushubije et Mihigo dans la commune de Ntega. Un échantillon de femmes dans des situations
maritales différentes avait été choisi : des femmes mariées ; des femmes ou filles cheffes de ménage
(les veuves notamment) ; des femmes leaders des associations et membres des structures de pouvoir
comme les membres des conseils collinaires, les cheffes des sous-collines, etc. ; des femmes et filles
à partenaires multiples ; des femmes séparées, divorcées ou assimilées ou vivant dans des unions
polygamiques ; des jeunes filles encore célibataires.
400 ■ Droit et Société 114-115/2023

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