Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété - 138

Un dualisme juridique sans effet ?
Une enquête exploratoire sur les copropriétés au Québec
d'activités de gestion à l'échelle de leur copropriété : division ancienne versus
conversion récente de l'indivision vers la division ; gestion autonome versus
déléguée à une société de gérance ; administrateur-gestionnaire unique versus
administration collégiale ; auto-administration bénévole versus rémunérée ; réalisation
de travaux récente versus ancienne, versus future ; précédent contentieux
versus absence de contentieux dans la régulation des litiges. Le tableau 1
situé en annexe résume les principales caractéristiques sociales et résidentielles
des enquêté·e·s.
Enfin, nous avons pu collecter - de manière informelle 12 - des documents
et archives de deux copropriétés : d'une part, l'ancienne « convention
d'indivision » et l'actuelle « charte de copropriété divise » de la copropriété
dans laquelle réside Yann P., qui permet de mesurer à l'échelle d'une même
résidence les différences réelles entre ces deux régimes juridiques ; d'autre part
l'ensemble des archives de gestion de la copropriété dans laquelle réside Nadia
S. (vétérinaire salariée d'origine slovène), composée d'une trentaine de logements,
située dans un quartier ouvrier en gentrification de Montréal, et confrontée
à la nécessité de financer et de réaliser prochainement la coûteuse démolition-rénovation
de la cheminée en briques de l'ancienne usine de chaussures sur
laquelle a été bâtie la résidence.
Même si l'enquête ne m'a permis de rencontrer de copropriétaires appartenant
aux classes populaires (salariat d'exécution ou petits indépendants) ou actuellement
en indivision, deux d'entre eux - Yann P. et Luc M. - avaient
néanmoins effectué tout récemment la conversion vers le statut de copropriété
divise, permettant ainsi une comparaison entre ces deux régimes. La diversité
sociale relative des enquêté·e·s correspond ainsi à un échantillon raisonné, privilégiant
l'analyse des variations sociales des trajectoires et des expériences de
la copropriété, et dont la valeur comparative (entre la France et le Québec, et
entre copropriétaires) permet de compenser la faible profondeur ethnographique
(ne permettant pas de saisir en détail la vie interne des copropriétés).
Le chapitre se compose de trois parties. La première partie revient sur le
dualisme juridique entre copropriétés divises et indivises au Québec. Nous
montrons comment les évolutions législatives récentes et les pratiques de gestion
des résidents ont atténué la frontière entre ces deux régimes juridiques de
copropriété, et limitent ainsi l'effet propre de l'indivision sur la tension entre
propriétés individuelle et collective. La suite de l'article explore la manière
dont la monopolisation profane du travail de l'immeuble par certains copropriétaires
permet de résoudre, en pratique et mieux que d'autres arrangements juridiques
ou marchands, cette tension propre au régime de copropriété. La deuxième
partie revient sur les logiques d'entrée dans la carrière de gestionnaire, et
12. Le caractère informel de la collecte et de la consultation de ces archives nous interdit malheureusement
d'en reproduire des extraits.
Recherches et travaux, vol. 37/2023
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