Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété - 139

Camille FRANÇOIS
leurs variations sociales d'un·e copropriétaire à l'autre. La troisième partie de
l'article développe deux aspects du travail de gestion et de la manière dont il
permet de concilier appropriation privative et régulation collective des biens
immobiliers : la monopolisation de ce travail, et la construction d'une expertise
technique profane facilitant la prise de décision collective (en matière de réalisation
de travaux).
7.2. Un dualisme juridique en trompe-l'œil : l'uniformisation
des régimes de division et d'indivision
Les régimes de la division et de l'indivision présentent des différences importantes.
Celles-ci portent sur des domaines majeurs, comme les modalités de
financement à l'achat et donc le prix des biens immobiliers 13, les modalités de
cession de ces derniers (droit de préemption ou de retrait des autres indivisaires
en indivision), la taille des résidences (en moyenne plus petite en indivision), la
fiscalité (plus faible en indivision, même si là encore les régimes de taxe foncière
tendent à s'aligner, notamment à Québec), les droits des locataires y résidant
(plus protecteurs en indivision) ou encore les formes de régulation publique
(comme le moratoire de certaines municipalités d'arrondissement de
Montréal interdisant la conversion d'immeubles locatifs en copropriété divise).
Toutefois, les statuts de ces deux formes de copropriété ont connu un processus
d'alignement depuis la réforme du Code civil du Québec de 1994 14.
Surtout, l'enquête menée auprès des copropriétaires met en lumière un résultat
important : les différences entre les régimes de l'indivision et de la division
n'affectent pas fondamentalement les modalités de gestion des copropriétés.
Deux spécificités de l'indivision auraient pu a priori sembler décisives sur
ce point : d'une part, la règle électorale d'unanimité régissant la prise de décision
en copropriété indivise (par opposition à la règle de majorité simple ou
qualifiée en copropriété divise) ; d'autre part la solidarité financière plus poussée
- théoriquement proche de celle des contrats de mariage ou de bail - des
copropriétaires indivisaires. Or, l'enquête montre finalement l'absence d'effet
significatif de ces deux dispositions juridiques spécifiques de l'indivision sur
les modes de délibération et de décision collectives des copropriétaires (notamment
au sujet de la réalisation de travaux).
Concernant les règles décisionnelles, si l'unanimité constitue en droit
l'attribut distinctif et fondamental de l'indivision par rapport à la division,
celle-ci est dans les faits limitée par les « conventions d'indivision » à un
13. Les banques soumettent par exemple l'achat d'un logement en copropriété indivise à un apport
financier initial plus important (de l'ordre de 20 % du prix du bien, contre 5 % en division), ce
qui tend à limiter le nombre d'acheteurs potentiels et ainsi à faire baisser le prix des biens (suivant
un raisonnement d'offre et de demande).
14. Gaële GIDROL-MISTRAL, op. cit.
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Recherches et travaux, vol. 37/2023
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