Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété - 14

Introduction
ment mobilisée pour penser la combinaison de référents normatifs éclatés, mêlant
le formel et l'informel, et moins structurés par le droit étatique que dans les
pays développés. Ce champ de l'économie a été en outre le lieu de débats intenses
autour des avantages et inconvénients d'une promotion de la propriété
privée dans les politiques de développement. C'est par rapport à ce cadre théorique
qu'Ostrom et Schlager situent leurs travaux, pour renouveler ce cadre de
manière critique.
Sous l'influence de ce paradigme anglo-saxon, la littérature économique
traitant de la propriété a largement repris cette notion de pluralité, particulièrement
adaptée pour appréhender la richesse de situations empiriques complexes.
« La notion [...] de " droits de propriété " comprise comme " droits exclusifs
transférables " , telle que l'emploient les économistes, constitue comme le négatif
photographique des différentes dimensions de la culture juridique des commons
lawyers en matière de propriété immobilière [...] Les juristes de traditions
romanistes sont très mal à l'aise devant la propension des économistes à
appliquer indistinctement la notion de " droits de propriété " aux rapports
d'obligations personnelles [...] Or un tel glissement peut parfaitement
s'envisager dans un contexte de common law 23. » En ce sens, les droits de propriété
de la common law n'ont pas la structure unitaire du droit romaniste constitué
d'attributs (usus, fructus, abusus) 24.
Dans ce contexte, l'objet d'étude sociologique qu'est la copropriété n'est
pas sans lien avec ces problématiques attachées aux « communs », tout en s'en
distinguant, dans la mesure où cet objet résume à lui seul la tension évoquée
plus haut entre attention aux formes de gestion mutualisée et prégnance des dynamiques
de « propriétarisation ». Face aux formes innovantes, mais encore
marginales, que représentent par exemple les initiatives d'habitat partagé, les
différentes formes de copropriété, « condominiums » ou « multi-ownership »
sont des objets d'étude qui soulèvent certes des enjeux de gestion des « communs
», mais à l'intérieur d'un cadre où la place de la propriété individuelle
demeure centrale. En revanche, nous estimons que le cadre conceptuel des travaux
sur les communs peut nourrir une réflexion sur les formes d'action collective
que l'observation sociologique analyse dans la « copropriété pratique » :
délimitation des droits d'exclusion ou d'accès sur certaines ressources ciblées,
recherche de compromis plus ou moins stables concernant une gouvernance
partagée...
23. Matthieu GALEY, « La typologie des systèmes de propriété de Charles Reinold Noyes, un outil
d'évaluation contextualisée des régimes de propriété privée, publique et commune », dans
Christoph EBERHARD (dir.), Enjeux fonciers et environnement. Dialogue afro-indien. Institut
français de Pondichéry, Pondichéry, Inde, 2007, p. 273.
24. Étienne LE ROY, La terre de l'autre : une anthropologie des régimes d'appropriation foncière,
LGDJ, Paris, 2011.
Recherches et travaux, vol. 37/2023
14

Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété

Table des matières de la publication Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété