Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété - 158

Conclusion
priété est un champ d'expansion pour une large gamme de services marchands
15 et où, parallèlement, certains propriétaires sont submergés par le travail
quasi professionnel que réclame l'administration de véritables services urbains
dans de très grandes copropriétés (Melot, supra, chap. 1).
Dans les copropriétés moyennes et populaires que nous avons étudiées, le
travail pour l'immeuble prolonge, dans une certaine mesure, le « travail du domicile
». Dans ce constat s'illustre l'idée selon laquelle, pour les catégories populaires
ou modestes, la propriété est associée à l'effort : « investir c'est s'investir
16 ». Mais l'investissement dans la copropriété n'est pas le simple prolongement
de l'investissement dans le logement. Travailler pour l'immeuble suppose
d'embrasser sa « cause 17 ».
L'organisation du travail pour l'immeuble
Différentes enquêtes, en plus des nôtres, démontrent que le travail pour
l'immeuble se concentre entre quelques mains. Ce constat amène à s'interroger
sur les facteurs et processus d'engagement dans la « cause de l'immeuble ».
Dans sa thèse relative à la copropriété en Russie, Hélène Richard met en évidence
deux profils : « Les individus " gestionnaires " » (en général en ascension
résidentielle) qui investissent dans l'immeuble leurs dispositions entrepreneuriales
ou leurs compétences professionnelles ; les « individus autant " porteparole "
des habitants que suppléants de l'administration, qui envisagent le souci
de l'immeuble comme une activité bénévole au service de la collectivité et de la
respectabilité des parties communes 18 ». Des profils similaires ont été dégagés
sur certains de nos terrains d'enquête. Ce résultat est intéressant et la comparaison
serait à approfondir. Mais notre travail montre que l'étude des caractéristiques
et trajectoires individuelles ne suffit pas pour comprendre comment se
définit et se distribue le travail pour l'immeuble. L'attribution de certaines
tâches à certains copropriétaires résulte d'un « travail [collectif] d'organisation
». « Le travail d'organisation consiste à fabriquer de la prescription ou
à la transformer pour la rendre utile à la production finale du service. C'est un
travail en cascade de reformulation et d'enrichissement progressif de la prescription,
de définition socialisée de " ce que l'on doit faire " [...] 19 ». Les conseillers
syndicaux des trois copropriétés françaises, les administrateurs bénéville
au prisme de ses acteurs et de leurs activités : des recompositions à explorer », dans Pour
la recherche urbaine, CNRS Éditions, Paris, 2020, p. 293-311.
15. Stefan R. TREFFERS et Randy K. LIPPERT, op. cit.
16. Paul CUTURELLO et Francis GODARD, « Familles mobilisées. Accessions à la propriété du
logement et notion de l'effort des ménages », rapport pour le Plan construction, ministère de
l'Urbanisme et du Logement, Paris, 1982.
17. Nous empruntons à Hélène Richard l'expression « cause de l'immeuble » (Hélène RICHARD,
op. cit.).
18. Hélène RICHARD, op. cit. p. 489.
19. Marie-Anne DUJARIER, « Chapitre 2. Travail et organisation : quelques définitions », dans
Marie-Anne DUJARIER, L'idéal au travail, PUF, Paris, 2006, p. 53.
Recherches et travaux, vol. 37/2023
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