Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété - 34

La copropriété comme objet d'enquête en sciences sociales
rénovation ne peut s'expliquer uniquement par les niveaux de revenus ou la
solvabilité des ménages. Elle est aussi fortement liée à des formes d'investissements
individuels et collectifs constitutifs d'un sentiment d'appartenance
commune (que traduit la notion proposée de « communalisation »).
Une des enquêtes par entretiens parmi les plus détaillées sur la coordination
des copropriétaires, notamment dans le cadre de projets de rénovation, a été réalisée
par Altmann auprès d'un panel de conseils syndicaux (committee chairs)
et de gestionnaires de biens en copropriété (strata managers) dans le centre de
Melbourne en Australie, dans des immeubles collectifs de plus de 100 lots 14.
Comme d'autres études, cette enquête souligne l'importance du rôle joué par
les « leaders » dans les collectifs bénévoles des conseils syndicaux, en particulier
ceux capables de mobiliser des connaissances techniques issues de leurs
trajectoires professionnelles.
Concernant l'arbitrage entre les catégories de travaux à réaliser, Altmann
montre les freins à l'action collective que peuvent constituer les problèmes
d'équité et la perception d'injustices. Ces problèmes d'équité sont de plusieurs
ordres. Ils peuvent être liés à des conflits entre usages résidentiels et activités
commerciales. Un exemple concret est l'absence de mesure individualisée des
consommations. Les différences de consommation entre résidents et commerçants
(les locaux commerciaux ayant par exemple des besoins importants en
eau et air conditionné) au sein d'un même immeuble collectif nourrissent un
sentiment d'injustice et la perception par les résidents lésés d'être victimes
d'une logique de « passager clandestin ». Ce sentiment peut être un facteur de
blocage qui s'étend à d'autres enjeux, et paralyser l'action collective de manière
plus globale. Ces conflits peuvent aussi opposer les résidents qui souhaitent
générer une plus-value de court terme dans l'optique d'une revente, à ceux
qui s'inscrivent dans une occupation de long terme de leur logement. Ainsi,
pour les premiers, le degré de priorité caractérisant les projets de rénovation
énergétique est faible au sein de la gamme des travaux programmés par les copropriétés.
Ils peuvent souhaiter privilégier ceux qui se traduisent par des améliorations
constatables sur le court terme (installations permettant des économies
d'eau ou la récupération de l'eau pour les jardins, par exemple) 15.
L'enquête rappelle également le temps important consacré à la résolution
des conflits, en reprenant les conclusions similaires de McKenzie 16. Altmann
souligne que les copropriétés connaissant un renouvellement fréquent des propriétaires
occupants (durée d'occupation réduite) sont celles qui rencontrent le
14. Erika ALTMANN, " Apartments, Co-ownership and Sustainability: Implementation Barriers for
Retrofitting the Built Environment " , dans Journal of Environmental Policy & Planning, 16,
no 4 (2 octobre 2014), p. 437‑457, https://doi.org/10.1080/1523908X.2013.858593.
15. Erika ALTMANN, Ibid.
16. Evan MCKENZIE, " Common interest housing in the communities of tomorrow " , dans Housing
Policy Debate, 14, no 12 (1er janvier 2003) : 20334,
.
Recherches et travaux, vol. 37/2023
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https://www.doi.org/10.1080/1523908X.2013.858593 https://www.doi.org/10.1080/10511482.2003.9521473

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