Droit et Société - Volume 37 - Vivre en copropriété - 82

Faire copropriété :
pratiques de gestion et appropriations du droit en milieu populaire
ré 18. Ce fonctionnement permet que l'information circule le plus rapidement
possible vers l'ensemble des résidents. Selon le président, « l'idéal c'est d'avoir
un bon responsable, un bon correspondant par cage. Quand il y a des informations
à faire et tout ça, parce que j'ai fait un groupe (mail) " conseil syndical " ,
j'envoie ça et puis comme ça ils peuvent prévenir les gens, c'est pas à moi de
faire la navette sans arrêt. » La répartition des tâches s'effectue ensuite à travers
différents « groupes de travail » dont : gestion-finances, impayés, ravalement,
entretien, ménage, chauffage, salle réunion, loisirs, médiation, espaces verts,
eau, parkings. À cela s'ajoutent deux autres fonctions : la présidence et la viceprésidence
19. Ce fonctionnement, spécifique à cette copropriété, a été mis en
place par l'actuel président du conseil syndical il y a 20 ans, ce qui démontre
une institutionnalisation de ces instances. Si certains « groupes de travail »
existent depuis 20 ans, d'autres se sont établis au fur et à mesure : par exemple,
le groupe « ravalement », institué en raison des travaux de rénovation énergétique
et amené à disparaître à la fin des travaux.
La division du travail au sein de ces différents groupes se fait surtout selon
les compétences professionnelles des propriétaires 20. Deux catégories de compétences
professionnelles se montrent plus propices à être réinvesties dans le
travail pour l'immeuble : les compétences comptables, par exemple savoir faire
un bilan financier, la facturation, la caisse ou la gestion d'impayés, et celles
liées au monde du bâtiment qui comprennent à la fois les savoirs techniques (de
maçon ou de chauffagiste) et ceux liés à la gestion des travaux, c'est-à-dire une
connaissance du monde des entreprises du bâtiment ou la capacité d'analyser
les devis de travaux 21. Ainsi, d'anciens comptables s'occupent de la gestion
financière de la copropriété (suivi de budget, gestion des impayés, etc.) et ceux
qui ont travaillé dans le domaine du bâtiment suivent les travaux, le chauffagiste
surveille les chaudières, et ainsi de suite. C'est le cas de Didier, marié,
61 ans, qui fait notamment des travaux de maintenance, des « bricoles » au sein
de l'immeuble, « ma vraie profession c'est marbrier et j'ai passé un CAP
d'agent de maintenance en bâtiment de collectivité. C'est le monsieur qui travaille
dans les hôpitaux ou dans les mairies pour changer une ampoule, donner
un coup de peinture, c'est le monsieur à tout faire 22 ».
Cependant, un grand nombre d'activités qui sont prises en charge par les
copropriétaires dépassent les enjeux d'ordre technique ou financier. De ce fait,
18. Au total, il y a 23 cages d'escaliers, ce qui explique en partie le grand nombre de copropriétaires
membres du CS.
19. Le recours à la création de différents « groupes de travail » a été également observé au sein de
la copropriété participative (cf. chapitre V, infra).
20. Le réinvestissement de savoirs professionnels au sein de la gestion de l'immeuble a été observé
sur plusieurs de nos terrains d'enquête (cf. chapitres III, V et VI).
21. À la différence de ce qu'on observe dans les copropriétés québécoises habitées par des classes
moyennes plus dotées en capital scolaire et social (cf. chapitre VII, infra), ici les copropriétaires
ne disposent pas de compétences juridiques liées à leurs activités professionnelles.
22. Actuellement, le propriétaire oscille entre périodes de chômage et travail en intérim.
Recherches et travaux, vol. 37/2023
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