Droit et Société - Volume 38 - Sociologie de la médiation judiciaire - 167

Introduction de la Partie 3
sens que nous retrouvons dans l'expression les « prescriptions de la loi ». Il
s'agit plutôt de saisir la prescription telle que le monde médical et thérapeutique
peut l'utiliser, celle d'une recommandation, éventuellement consignée sur
ordonnance, sans qu'elle soit associée à un pouvoir de coercition exercée par le
praticien. La prescription, dans l'usage qu'il en sera fait ici, fonctionne sur le
registre du conseil, de l'incitation et de la recherche de l'adhésion de celui ou
celle qui la reçoit.
Entrer par la prescription judiciaire est une manière à la fois d'évaluer indirectement
cette forme de médiation, mais également de saisir les raisons pouvant
expliquer le faible développement constaté en France de la médiation judiciaire.
L'hypothèse la plus souvent retenue pour comprendre cette croissance
quantitativement confidentielle, pointe les résistances et les oppositions de la
part de bon nombre d'acteurs, que ce soit les médiés ou les acteurs traditionnels
de la gestion des conflits comme les avocats, les magistrats 4. Pour ces derniers,
elles se traduiraient par des défauts ou des absences d'orientation des affaires
vers la médiation.
Dans ce qui suit, nous allons aborder la question de la prescription à partir
d'une autre hypothèse, qui s'appuie moins sur le comportement rationnel ou
stratégique des acteurs que sur le constat d'une évolution structurelle des manières
de juger en association avec une plus grande pluralité contemporaine des
réponses juridiques aux conflits. En ce sens, le rythme de l'évolution est de fait
plus lent que si elle était le résultat d'une politique publique et/ou d'actions volontaristes
et résolument favorables à la médiation. Pour être plus précis, nous
pensons que la prescription de la médiation accompagne un changement dans la
manière d'envisager les conflits dans les espaces judiciaires et les évolutions de
perspectives à propos de la résolution des conflits chez ceux qui en ont la
charge, à savoir les magistrats. Un des angles d'attaque possibles est donc de
connaître les différentes formes de prescriptions à l'œuvre, plus que les résistances
et oppositions qu'elles provoquent. C'est pour ces raisons, que nous
nous sommes fixés comme objectif d'identifier et d'analyser les expériences
réussies de prescription de la médiation pour en faire ressortir leurs mécanismes.
Si
cette problématique est assez peu développée dans la littérature portant
sur la médiation et les modes amiables, il reste qu'un certain nombre de travaux
et de réflexions sont menés sur des thèmes assez proches, comme les résistances
à la médiation, ses champs d'application ou bien encore le lien entre
médiation et déjudiciarisation. Nous proposons de passer brièvement en revue
les connaissances en la matière, recensées dans la littérature juridique et sociologique
française.
Prescrire la médiation : accepter la diversification des réponses juridiques
4. Arnaud STIMEC, « Gérer les résistances à la médiation », dans Gestion, 41, 4, 2006, p. 240246
; Maria R. VOLPE et Charles BAHN, " Resistance to mediation: Understanding and handling
it " , dans Negotiation Journal, 3, 3, 1987, p. 297-305.
Recherches et travaux, vol. 38/2023
166

Droit et Société - Volume 38 - Sociologie de la médiation judiciaire

Table des matières de la publication Droit et Société - Volume 38 - Sociologie de la médiation judiciaire